Burkina Faso: L’après coup d’état avorté

 

 

 

Peuple et armée solidaires


Après avoir servi, avec une fidélité exemplaire, le régime de Blaise Compaoré,  d’octobre 1987 à fin octobre 2014, le chef du RSP, a-t-il cru son heure venue ? A la tête de mille trois cents (1 300) hommes, supposés bien entraînés et suréquipés, par rapport au reste de l’armée burkinabè, il a pris en otage le président de la Transition, Michel Kafando, le Premier ministre, Yacouba Isaac Zida, ainsi que deux ministres, l’après-midi du 16 septembre dernier. Se proclamant président d’un Conseil national pour la démocratie, Gilbert Diendéré, soutenu par des ténors de l’ancienne majorité présidentielle, ambitionnait, en particulier, d’engager une large concertation « pour former un gouvernement qui se dévouera à la remise en ordre politique du pays et à la restauration de la cohésion nationale pour aboutir à des élections inclusives et apaisées. » En clair, restaurer le système Compaoré que les Burkinabè ont banni, les 30 et 31 octobre 2014 !


Dès l’annonce du coup d’Etat, la résistance s’organise afin de faire échec à l’interruption du régime de Transition, alors occupé à préparer les élections présidentielles et législatives couplées, initialement prévues le 11 octobre. La campagne électorale devait débuter le 19 septembre. Dans les villes, les jeunes mettent en place des barricades et manifestent pour dire non au RSP. Les Organisations de la Société Civile battent le rappel des troupes en vue de sauver les acquis de l’Insurrection des 30 et 31 octobre. Les syndicats lancent un mot d’ordre de grève générale et appellent à la désobéissance civile. Des partis politiques s’insurgent contre cette intrusion de trop dans la scène politique de la garde prétorienne de l’ancien régime. Devant une telle offensive, tous azimuts, de la population, le RSP, pour s’imposer, utilisera la manière forte, barbare. En effet, à bord de pick-up vert olive ou de 4×4 rutilants non immatriculés, ou juchés sur des motos à la mode, les militaires du RSP tirent à vue sur les manifestants. Les premiers morts endeuillent la population, des blessés affluent dans les hôpitaux.


Un lourd bilan


Jusqu’alors silencieuses, les Forces armées nationales condamnent la violence exercée sur des civils aux mains nues. C’est que les militaires loyaux à la Transition sont harcelés par les manifestants, qui leur demandent de prendre leurs responsabilités. Ils réclament même des armes pour combattre le RSP, qui sévit depuis son luxueux Camp Naaba-Koom jouxtant le Palais de Kosyam, siège de la présidence du Faso. Le Conseil national de Transition encourage la population à poursuivre la résistance. Finalement, le 29 septembre, les Forces armées nationales donnent l’assaut au RSP. Les soldats mutins se rendent. Quant au général Diendéré, réfugié à la Nonciature apostolique, l’ambassade du Vatican au Burkina Faso, il est livré à la gendarmerie, au bout de quarante huit heures.


Le bilan de la tentative avortée de coup d’Etat et de deux semaines de troubles est lourd. Onze (11) morts sont enregistrés, officiellement, tandis que le nombre des blessés s’élève à deux cent soixante et onze (271), sans compter le stress dont souffre toujours une partie de la population. La paralysie de l’administration et l’arrêt des activités économiques ont occasionné un tassement de la production dans les secteurs tertiaire et secondaire, amputant les finances publiques de 0,3 % de croissance. Ainsi, les pertes de recouvrement d’impôts atteindraient 11 milliards de FCFA  et celles des recettes douanières plus de 9,7 milliards de FCFA. Sur le plan de la trésorerie, les pertes directes se montent à 30,80 milliards de FCFA. L’Etat, dans l’immédiat, a perdu 50 milliards de FCFA, soit 75 millions d’Euros ! A cette saignée, s’ajoutent les pertes de revenus des ménages, ce que vont coûter la réhabilitation des édifices endommagés, l’indemnisation des victimes d’incendie d’engins et de domiciles puis les dépenses militaires. En effet, des unités, d’ordinaire stationnées en province, ont fait mouvement vers la capitale, Ouagadougou, en prévision de l’assaut contre les mutins. Elles y sont restées, en manœuvre, une semaine. Les commerçants, pour la plupart analphabètes, estiment avoir perdu « des centaines de milliards ». La facture devrait s’allonger donc pour la communauté nationale.


Outre l’engagement de poursuites judiciaires immédiates contre les auteurs et les complices du putsch avorté, le gouvernement de Transition s’attèle à la remise au travail de l’administration et du secteur privé, qui devrait, à terme, relancer l’économie du pays. Puis, de concert avec les partis politiques, l’administration, la Commission électorale nationale indépendante et les partenaires techniques financiers, les autorités devraient pouvoir fixer de nouvelles dates des scrutins, présidentiels et législatifs, à organiser, au plus tard, fin novembre prochain.


En octobre 2014, un large soulèvement populaire a renversé un régime en place depuis 27 ans. Une année plus tard, le même peuple et son armée républicaine ont fait échouer une tentative de restauration.


André Marie POUYA

Journaliste & Consultant

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