Les réponses régionales précoces au terrorisme.
Au Sahel, quelles que soient ses causes et ses origines, l’enracinement du terrorisme a pris par surprise la plupart des institutions politiques et de sécurité nationale généralement démunies et sous-équipées. Les aides bilatérales d’urgence dans le domaine de la sécurité, accordées souvent par les partenaires occidentaux (formation, équipement), ont été renforcées grâce à des programmes au niveau du continent africain. Au-delà de ces programmes, qui souvent se chevauchent, bien que visant tous à vaincre la nouvelle menace posée par les groupes radicaux, des alliances et groupements régionaux, ont été approuvés et mis en place.
La première assistance militaire extérieure formelle soutenue par Washington et appelée l’Initiative pan-Sahel (PSI) couvrant le Tchad, le Mali, la Mauritanie et le Niger a vu le jour en 2004. En 2005, la PSI a été rebaptisée Trans – Initiative contre le Terrorisme au Sahara (TSCTI) avant de s’ouvrir à cinq autres Etats membres. Ensuite ce fut, à une autre échelle, l’AFRICOM avec son siège en Allemagne.
Depuis sa création en 1999, le siège du Centre Africain d’Etudes et de Recherches Contre le Terrorisme ou CAERT est basé à Alger. Un autre groupe, créé en 2010, l’Unité de Fusion et de Liaison, est également basé en Algérie. Il est composé de l’Algérie, du Burkina Faso, du Tchad, de la Libye, du Mali, de la Mauritanie et du Niger.
Cette même année 2010, le Comité d’Etat-Major Opérationnel Conjoint ou CEMOC a été mis en place et a son siège à Tamanrasset, en Algérie. Ses membres sont l’Algérie, le Mali, la Mauritanie et le Niger. Il est suivi en 2013 par le processus Nouakchott formellement lié à l’Union africaine.
En Février 2014, une réunion au sommet tenue en Mauritanie a créé le G 5 Sahel qui est composé du Burkina Faso, Mali, Mauritanie et Niger et Tchad. Au-delà de la continuité géographique, l’’un des principaux avantages de ce regroupement est la similarité des états membres, en termes de taille de leurs économies et des capacités militaires.
Outre ces regroupements dédiés à la lutte contre les activités terroristes, il existe un certain nombre d’organisations régionales ayant dans leurs mandats une composante anti-terroriste.
Il y a d’abord la Cedeao et la Commission du bassin du lac Tchad, les deux sont essentiellement des organisations économiques, mais chacune a une composante sécuritaire. Ensuite, il y a le Cen-Sad parrainé par le colonel Kadhafi et encore officiellement basé à Tripoli, mais fonctionnant maintenant depuis Ndjamena au Tchad. Depuis la chute de Kadhafi l’organisation est beaucoup mieux acceptée dans la région. Enfin, les Nations Unies et l’Union européenne ont respectivement des troupes et des programmes destinés à former les forces de sécurité des pays du Sahel dans la lutte contre l’extrémisme violent.
Malgré ce grand nombre d’organisations de lutte contre le terrorisme et d’importants financements extérieurs, de nombreux observateurs estiment cependant que l’insécurité reste un défi majeur. L’image globale de la région et des économies nationales ne peut s’améliorer avec une perception aussi floue. La poursuite d’attentats terroristes dans de nombreuses capitales d’Afrique de l’ouest et les accrochages sporadiques mais fréquents entre des terroristes – en petits groupes ou par des individus isolés – et les troupes, locales ou étrangères, demeurent une source de graves préoccupations.
Pendant ce temps, alors que les gouvernements font face à cette situation, une forte rumeur se répand rapidement et semble jouir d’une certaine crédibilité dans la région et au-delà. Même si elle ne justifie pas entièrement le terrorisme, elle cherche à expliquer son développement et sa persistance dans la région.
Djihad et Libération politique.
Les questions soulevées débattue sont les suivantes: le terrorisme en Afrique n’est-il pas d’abord une guerre qui oppose les puissances occidentales et les djihadistes qui luttent pour la libération des pays de l’ingérence étrangère? La guerre contre le terrorisme n’est-elle pas une guerre étrangère menée en Afrique et opposant des groupes radicaux à des armées occidentales protégeant des gouvernements incapables et non représentatifs ?
Pour appuyer ces points de vue, d’autres arguments sont alors avancés. Les questions soulevées par les groupes terroristes dans le Sahel – la justice sociale, les libertés, la corruption, les trafics de drogue, etc – ne sont-elles pas suffisamment légitimes? Ne méritent elles pas, pour le moins, un grand débat politique et économique autour de la situation actuelle des pays de la région? Pour combien de temps encore ces problèmes continueront- ils d’être enfermés dans des placards? Sans un débat libre et ouvert sur les vraies questions nationales, les difficultés ne continueront- elles pas à s’empiler avant d’exploser dans des rébellions encore plus féroces?
La réponse suggérée est que les gouvernements nationaux et leurs partenaires extérieurs doivent entreprendre des efforts additionnels au-delà de leur approche actuelle à savoir uniquement la lutte contre les groupes terroristes. Les efforts demandés appellent à l’intégration des préoccupations des populations marginalisées dans le courant de pensée dominant des élites dirigeantes. Une réponse à ces préoccupations, qui ne viserait que la poursuite de la guerre contre les terroristes et la suppression des manifestations politiques, ne donnerait pas une solution durable.
Mes interlocuteurs ajoutent: en effet, comme partout ailleurs, il existe dans la région un certain nombre de nihilistes. En outre, il y a probablement aussi des groupes radicaux avec des objectifs cachés, qui pourraient avoir été encouragés depuis l’étranger pour porter la violence armée dans d’autres pays dont bien sûr le Sahel.
Dans cette région, les griefs sont très nombreux et continuent de s’empiler. Pourtant, un certain nombre de gouvernements laissent peu ou pas d’espace afin que ces griefs puissent venir sur le devant de la scène. Et c’est précisément pourquoi les mouvements radicaux apparaissent les seuls à demander la Justice pour tous. Pour mobiliser davantage les démunis, ils effectuent ainsi des campagnes de communication visant à gagner l’esprit et le cœur des peuples.
Ils prétendent qu’ils combattent les troupes occidentales qui soutiennent des régimes abhorrés par les populations. Contrairement à ce que l’on pense généralement, cette bataille de la communication est l’une des principales priorités des groupes radicaux.
Au-delà de ces questions difficiles, d’autres interrogations neutres interpellent et appellent des réponses adéquates et urgentes de la part des gouvernements et des partenaires extérieurs. L’une des premières réponses consiste à inclure la forte croissance démographique dans tout débat de politique relatif à la sécurité dans le Sahel.
En effet, la rapide urbanisation du Sahel, et en particulier de ses capitales, est devenue une partie intégrale des priorités de la sécurité dans la région et au-delà.
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Basé à Nouakchott, le Centre 4S a une vocation régionale puisqu’il couvre une bande allant de la Mauritanie en passant par la Guinée, au sud, et jusqu’au Tchad et au Soudan, à l’est, après avoir longé l’Atlantique et traversé la savane. Ses centres d’études sont la défense et la sécurité de la bande sahélo saharienne, la violence armée et le terrorisme, les rivalités pour le pétrole, le gaz et l’uranium, les migrations irrégulières dans et hors de l’Afrique, la contrebande de cigarettes, la drogue et les trafics humains, etc., l’environnement et les énergies renouvelables. Sa vocation est d’aider la région et ses partenaires internationaux – publics et privés, aussi bien que ceux de la société civile, les universités, les Forums et autres groupes – à davantage collaborer pour assurer la sécurité et la prospérité de la bande sahélo sahélienne