Sahel: face au Nexus Sécurité Développement.

Pour faire face à une crise persistante, la région et ses partenaires internationaux, en particulier la France car le pays le plus présent, devraient examiner les liens entre sécurité et développement.

Une crise profondément enracinée


Il ne faut jamais cesser de le répéter. La crise du Sahel est profonde, multi dimensionnelles et appelle à une réponse interne et externe efficaces.


Alors que les groupements G 5 Sahel et Louptako Gourma sont des ensembles cohérents, leur succès dépend principalement d’engagements plus efficaces pour mener à bien des réformes structurelles difficiles. Des engagements similaires sont également nécessaires au niveau des États confrontés à Boko Haram dans la région du lac Tchad.


Au Sahel, les exaspérantes difficultés sont d’abord de sécurité et de développement. Parmi les premières, la gouvernance, ainsi que les questions environnementales et humanitaires.


Les partenaires internationaux de la région ne peuvent ignorer les sérieux risques, y compris pour leurs lointains pays, liés à cette situation. Comment pourraient-ils alors contribuer avec succès?


Infuse, la crise a aussi des effets pervers. Sur le terrain, la couverture médiatique, une sorte de publicité gratuite en faveur du terrorisme, se traduit en recrutements en faveur de groupes radicaux. Un nombre de plus en plus élevé de jeunes, issus de différents segments de la société, est impliqué dans ou affecté par la crise. La combinaison d’une gouvernance politique indigente, d’une forte démographie, de systèmes éducatifs périmés et d’une productivité agricole fragile, renforce l’attrait pour les groupes radicaux.


A travers tout le Sahel, des réformes urgentes sont indispensables aux activités à court terme et aux programmes à long terme. La réponse implique un consensus sur une priorité absolue: la lutte contre les groupes radicaux et leurs alliés.  De cette priorité, les premières réformes internes devraient concerner deux domaines essentiels: l’éducation et l’agriculture.


La modernisation des programmes d’éducation devrait être l’objectif principal. Les systèmes concurrentiels, en particulier dans les domaines des sciences et technologies, ne peuvent continuer d’être ignorés. À cet égard, l’éducation des filles devra être une priorité nationale.


À l’instar de l’éducation, l’agriculture a besoin d’une stratégie intégrée pour accroître la productivité, introduire de nouveaux produits et construire des infrastructures reliant les zones de production aux consommateurs des villes. Il est également nécessaire de libérer les mouvements des peuples et des biens avec moins de contrôles routiers.


Dans la plupart des sociétés concernées, Internet et les médias sociaux sont des véhicules puissants pour la propagation du terrorisme, offrant une couverture quasi officielle aux messages. La croyance, localement enracinée, en tout ce qui est imprimé, est telle que la propagande des groupes extrémistes est sentie comme un appel à la Justice.


Cette ‘’couverture religieuse’’ est confortée par l’apparition d’actions de groupes terroristes comme une véritable lutte contre un leadership national jugé corrompu et une communauté internationale souvent silencieuse.


Bien que ces vues soient exagérées, beaucoup sont convaincus que l’avenir est du côté du modèle radical. Un modèle que ses partisans veulent imposer avec leurs armes, leurs bombes et d’autres moyens extrémistes.


Retour d’un vieux dilemme.


Au fil du temps, les efforts de développement devraient amoindrir les causes de l’insécurité et assurer le développement et la stabilité. Cependant, le développement ne se produit pas du jour au lendemain pour générer des ressources et des revenus. Par conséquent, une aide extérieure appropriée reste nécessaire pour répondre aux besoins de sécurité et de développement.


C’est là où réside le dilemme: il n’y a pas de développement sans sécurité et, de même, pas de sécurité sans développement.


Au cours des 5 dernières années, la réponse de la communauté internationale – Nations Unies, Union européenne, Etats-Unis – est venue avec des Stratégies, et, en fait, beaucoup. Excellentes sur le papier, elles se chevauchent et, en raison de leurs différents mandats politiques et juridiques, elles ne sont pas coordonnées sur le terrain, Elles peuvent difficilement atteindre leurs objectifs. Même avec un financement adéquat, elles se trouvent engluées dans les méandres des enchevêtrements administratifs et diplomatiques tant au départ autant que sur le terrain. Elles apportent cependant un avantage, leur capacité à garder les gouvernements en alerte.


Au-delà des différentes stratégies, il existe une réelle demande pour la réussite de leur mise en œuvre effective. Celle-ci appelle à plus de discipline à travers une approche cohérente sous les auspices d’un acteur principal (organisation ou individu) accepté par tous. Sans accord sur la mise en œuvre, il y aura souvent un vacuum dans lequel les terroristes, leurs partenaires silencieux et d’autres sympathisants, pourront agir avec un certain succès. C’est là où nous en sommes maintenant.


Par ailleurs, un certain nombre de gouvernements du Sahel ont tendance à se comporter comme leurs prédécesseurs pendant la guerre froide. C’est-à-dire  chercher à obtenir un soutien international contre une menace identifiée sans pour autant en aborder les causes profondes. Les partenaires ne doivent cependant pas oublier cette période noire ou leur crédibilité, leur énergie et leurs ressources furent dilapidées en toute futilité. Une importance accrue doit être donnée à la bonne gouvernance y compris au sein des appareils sécuritaires.


Au-delà de leurs similitudes, les crises  de l’ensemble Sahélien y compris le Lac Tchad et le sud Libyen – ne devraient pas être traitées de la même manière. Bien que se renforçant mutuellement, chacune a sa propre personnalité et doit être gérée en conséquence.


Le trafic et le trafic de drogues, de cigarettes et de migrants, à l’intérieur et à travers le Sahel, ne sont pas identiques à ceux du secteur du lac Tchad. Mais des passerelles, y compris le crime organisé en Europe, facilitent la connectivité et la coopération entre les groupes opérant dans les deux sous-régions.


Aujourd’hui, la sécurité dans le Sahel est suivie par un certain nombre de forces dont les armées nationales de pays et les troupes étrangères (la Minusma de l’ONU et de Barkhane, la force anti-insurrectionnelle française). Les forces spéciales des pays occidentaux, y compris l’Allemagne et les États-Unis, apportent un appui déterminant.


Sur le terrain, le succès militaire appelle à des armées motivées, représentatives de leurs sociétés et de leurs nations, bien formées et véritablement professionnelles. En d’autres termes, pas d’armées d’un régime, d’un clan ou d’une région, mais d’un Etat.


Au cours de la crise en cours, les forces de sécurité devraient également coopérer plus étroitement avec les services douaniers pour aider à minimiser les trafics et autres mouvements illégaux qui financent l’insécurité.


En outre, pour lutter contre un ennemi fluctuant, il est nécessaire d’avoir des bases politiques plus solides. Par conséquent, les gouvernements du Sahel doivent élargir leurs assises politiques pour former de grandes coalitions ou fronts politiques. Gouverner seul ne peut plus suffire.

 

Dans l’ensemble, le nexus développement/ sécurité est une réalité. Pourtant, ne traitant que des problèmes à court terme – le terrorisme – c’est laisser intactes les structures instables des pays. La crise pourrait certes s’atténuer pendant un certain temps, mais ses racines se régénéreront bien rapidement et avec plus de force pour un nouveau round de violences plus meurtrières.

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