Climat et développement durable.
Pour de nombreux pays, c’est l’occasion de montrer leur implication en faisant connaître des solutions concrètes conciliant climat et développement durable.
Aujourd’hui, 805 millions de personnes sont encore en proie à la faim dans le monde. Selon le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), d’ici à 2080, ce sont 600 millions de personnes supplémentaires qui pourraient souffrir de malnutrition à cause du changement climatique. Soit plus d’un milliard de personnes au total. Et ce sont les plus pauvres qui seront les plus touchés : sécheresses, inondations, ouragans, mais aussi prolifération de nouveaux parasites et de nouvelles maladies qui mettent en danger autant les récoltes que la salubrité des aliments. Le réchauffement climatique fait peser d’effroyables menaces sur les moyens de subsistance des populations les plus vulnérables.
Dans les régions du Maghreb et du Sahel, la sécheresse est déjà un défi qui ne fera que s’accentuer dans les prochaines années. Sans eau et énergie, il faudra faire face à des crises sociales majeures. Par conséquent, un effort important est nécessaire pour soutenir le développement des énergies renouvelables dans ces régions à fort risque climatique et financer les démarches de développement durable des villes, en proposant des actions de sensibilisation à ces questions.
Il s’agit d’adapter les réseaux de transport public urbain, de privilégier la gestion des déchets, de renforcer la cohésion sociale, etc. Une solution concrète est celle concernant la restauration des terres arables pour une agriculture écologique. En effet, celle-ci permet aux pays qui la pratiquent d’employer quatre fois plus de personnes et d’atteindre l’autonomie alimentaire.
Ainsi, l’agriculture est un enjeu de développement pour tout le continent africain. Or, l’économie des régions les plus désertiques est centrée sur l’agriculture qui fait face actuellement à des difficultés, notamment en termes de développement socio-économique, d’exode rural soutenu, d’urbanisation non maîtrisée et de déficits notables en matière d’équipements et de service de base. Les jeunes sont de plus en plus nombreux à ne plus vouloir travailler la terre dans des conditions aussi difficiles et précaires. Des efforts ont été déployés dans certaines régions pour replacer les acteurs locaux au cœur du processus de développement de leur territoire.
Cependant, cela exige d’abord de redonner confiance à des populations et des acteurs locaux qui n’ont pas l’habitude de s’exprimer sur leurs besoins et leurs attentes. Cela exige aussi d’organiser la circulation de l’information, de faciliter l’accès à la formation et de favoriser le dialogue entre des groupes d’intérêts. Cela concerne aussi l’échange des savoirs et la complémentarité entre les compétences dans le but de libérer les initiatives, offrant ainsi l’occasion de construire un consensus. Des secteurs tels que l’agro-écologie, l’écotourisme, l’artisanat de qualité et le commerce solidaire sont des activités susceptibles de restaurer le modèle initial des systèmes de production des régions désertiques.
Structures étatiques pérennes
Néanmoins, une approche entrepreneuriale et par filière s’avère incontournable pour créer de la richesse et rehausser les valeurs patrimoniales d’un territoire.
Par ailleurs, au Sahel, il est important de consolider les institutions régaliennes nationales (justice, armée, gendarmerie) en mutualisant par exemple les moyens au niveau international. Cela créera des capacités de structures étatiques pérennes : efficacité des institutions, gestion des ressources humaines adéquates, talent managérial dans les institutions de type moderne. L’objectif consiste à construire des institutions solides et stables. Ce qui permettra d’agir plus efficacement sur le développement agricole écologique, l’éducation, la santé, les énergies renouvelables et les transports publics. Les questions sécuritaires ne peuvent en rien justifier le déficit d’investissement dans l’éducation et la formation professionnelle.
Il est pourtant essentiel d’investir dans l’éducation et la formation technique aux métiers de l’environnement entre autres, de préserver les langues et les cultures afin de préparer au mieux les jeunes aux enjeux mondiaux. Une société civile éduquée et formée participe à la gouvernance et peut permettre de régler une crise environnementale.
En Afrique, contrairement au reste du monde, malgré l’immigration et le déplacement des populations, le nombre d’habitants va augmenter dans les villes et dans les campagnes. En focalisant l’investissement par le secteur privé avec un impact social et environnemental important, il sera possible de réduire les inégalités afin de limiter les conflits et les crises sociales.
Le capital humain est souvent la plus grande richesse d’un pays. Alors pourquoi attendre de préparer l’avenir ? Privilégier le capital humain et le capital naturel, c’est augmenter les chances de faire face au réchauffement climatique. Lorsqu’une nation investit intelligemment dans l’éducation, les langues et la formation professionnelle, elle crée de la richesse et préserve ses ressources naturelles. Ce qu’elle apprend à ses jeunes aujourd’hui dans le respect de l’environnement, crée de la valeur ajoutée et aura forcément une répercussion positive sur le devenir du pays.
Dès 2035, la principale force de travail potentielle du monde globalisé sera africaine. Selon les prévisions des experts en démographie, il y aura 340 millions de jeunes africains en plus au cours des deux prochaines décennies. Ce sera une opportunité unique pour l’Afrique d’avoir des ressources humaines abondantes, jeunes, éduquées et motivées pour nourrir sa croissance économique de manière durable, tout en préservant son patrimoine naturel. Cette valeur ajoutée sera un formidable atout, si et seulement si, des investissements conséquents aient été faits en amont en termes d’éducation, de langues, de formation professionnelle, d’emploi et de santé.
Pour lutter contre le changement climatique et les situations à risque que la hausse de température provoque, la mise en œuvre dès à présent de solutions efficaces devient prioritaire dans les politiques publiques. Ces solutions doivent s’inscrire dans la perspective des Objectifs du Millénaire pour le développement durable. Ainsi, la valorisation d’un territoire ne peut se concevoir sans une vision globale et une approche intégrant les dimensions culturelles, sociales, économiques et environnementales.
Samia Essaadi
Sciences Po Paris