Le nexus sécurité développement. (l’original est en Anglais, écrit pour le Journal Friends of Europe.)

L’insécurité des gouvernements ou des citoyens ?


L’affirmation, par Houphouet Boigny, du lien entre sécurité et  développement est venue après le Plan Marshall et la Doctrine Truman, lancés pour une Europe dévastée par la Seconde Guerre mondiale. Les deux avaient déjà abordé cette connexion si complexe. Aujourd’hui, l’Agenda 2030 des Nations Unies pour le développement durable, la Stratégie mondiale de l’Union européenne et le Consensus européen sur le développement continuent ce débat.


La question était, et reste encore, comment pouvoir construire des sociétés pacifiques et inclusives dans les États fragiles?


Un monde pacifique doit pouvoir assurer la sécurité des pays et de leurs populations en luttant contre l’extrême pauvreté, en protégeant les infrastructures sociales et physiques et en éliminant ainsi les causes des conflits civils qui constituent l’ultime insécurité.


L’insécurité et les conflits sont des menaces mortelles pour le développement. Ce sont les pauvres qui souffrent le plus de la pénurie de ressources et de la dégradation de l’environnement résultant de conflits armés. Ce sont les mêmes qui sont le plus affectés par le déficit de développement.


Des approches non dogmatiques doivent être conçues pour faire face à la réalité des menaces actuelles à la sécurité, en particulier à la lumière des conflits chroniques qui touchent un grand nombre de pays, en particulier la Libye, les états du Sahel Sahara et la Corne de l’Afrique.


Toutefois, une question récurrente s’impose dans les débats: la sécurité à discuter est-elle celle de l’État ou celle de leurs citoyens? Traiter simultanément de la sécurité des deux est un défi important mais qui est nécessaire.


Se concentrer principalement sur la sécurité des gouvernements – en d’autres termes, la survie des régimes – n’assure pas nécessairement la sécurité des citoyens. Dans de nombreux pays, le manque de sécurité est principalement le résultat d’une gouvernance inefficace ou irresponsable. De même, les pratiques de gouvernance obsolètes et mal orientées ne peuvent pas aboutir à des stratégies de développement réussies. La corruption omniprésente et les politiques nationales qui discriminent en fonction de l’appartenance ethnique, des origines religieuses ou géographiques sont aussi létales que les conflits armés. De fait, ces dérives alimentent les crises. En outre, ces politiques discréditent les gouvernements, ce qui nuit davantage à leur efficacité dans la lutte pour le développement et contre l’insécurité.


Danger des gestions tribales et régionalistes


Depuis les années 1990, la violence armée en Afrique s’est manifestée sous la forme de violentes guerres civiles (au Burundi, au Rwanda, au Congo, au Libéria, en Sierra Leone et en Ouganda), souvent avec peu ou pas d’interférences externes. Ces rébellions étaient souvent des soulèvements contre l’exclusion sociale ou la mauvaise gestion effectuée par des régimes oppressifs et corrompus. Leur règlement pacifique résulte généralement de meilleures stratégies de gouvernance, y compris le partage du pouvoir.


Aujourd’hui, dans un environnement qui évolue rapidement, de nombreux leaders politiques continuent de gérer leurs pays principalement sur une base tribale ou régionale. Aveuglés par l’avidité, ou prisonniers de clans et de groupes tribaux, ils ignorent souvent ou rejettent les réalités que nous vivons aujourd’hui dans une ère de communication de masse rapides et de sociétés ouvertes. En outre, ils accordent peu d’attention à la démographie galopante et aux taux élevés d’urbanisation de leurs pays. Pendant ce temps, les citoyens, et surtout les plus jeunes générations, rejettent le népotisme et la corruption des élites. Ces  problèmes sont des bombes à retardement qui doivent être traités de manière adéquate.


Des progrès dans l’accroissement de la transparence de la gestion des ressources nationales de l’État sont des mesures qui peuvent venir à bout de ces défis.


La question pratique de savoir comment accroître la sécurité en mettant davantage l’accent sur le développement doit être abordée au niveau international, tout autant que national, mais les priorités conflictuelles entre les États nationaux et la communauté internationale peuvent présenter des difficultés.


La situation actuelle dans la région du Sahel Sahara est un exemple révélateur. Dans cette région, la principale priorité des gouvernements nationaux est de promouvoir le développement tout en utilisant l’aide extérieure pour lutter contre les organisations terroristes. Pour les pays développés concernés par la région, tels les États membres de l’UE, les priorités à court et à moyen termes sont plus directement liées à la lutte contre le terrorisme, à l’arrêt des flux migratoires et au trafic de drogue à travers la Méditerranée.


Bien que ces priorités ne soient peut-être pas contradictoires en elles-mêmes, en ce qui concerne l’attribution de l’aide, les deux questions sont en concurrence. En théorie l’objectif, à la fois des programmes de développement et de sécurité, devrait être de mener à bien simultanément sur les deux fronts, des stratégies complémentaires. Mais, en réalité, les lacunes en  ressources financières rendent cet objectif difficile à réaliser.


Aujourd’hui, tout comme pendant l’ère du Plan Marshall, il y a plus de soixante-dix ans, les nombreuses interconnexions entre développement et sécurité sont reconnues par tous. Mais cela ne se traduit pas nécessairement par une bonne gouvernance dans ce domaine. La principale difficulté à résoudre reste la façon dont les gouvernements peuvent placer les préoccupations de leurs citoyens au centre de leurs actions.

 

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