Le Sahel : le défi des troupes étrangères.

 

Gouvernements en détresse.


Les troupes étrangères, au départ, ont répondu à l’appel de gouvernements en détresse, menacés, qu’ils étaient, dans leur existence et celle de leurs Etats. Afin de ne pas être en reste, au regard d’enjeux stratégiques, d’autres se sont proposées de venir, « en appui ». De nombreux pays, sous la menace de combattants terroristes, ont accepté, motus et bouche cousue, l’installation de ces troupes étrangères. L’argument, pragmatique, est le suivant : toutes les bonnes volontés sont les bienvenues.


Cet avènement allait, pensaient-ils, impressionner les fauteurs de troubles, dans les sables instables du Sahel. Ces soldats, bien entrainés, suréquipés et disposant de technologies de renseignement à la précision atomique, allaient rendre vains les harcèlements tous azimuts de ces combattants sans apparent agenda politique appelés terroristes.


Puis, soldats onusiens, américains, allemands, français, italiens, chinois et bien d’autres militaires étrangers allaient, dans une démarche de benchmarking, donner non seulement le change mais aussi l’exemple à ces militaires africains, découragés, du fait de leurs déboires immédiats à chaque confrontation avec les  djihadistes.


Cette vision, pragmatique, de dirigeants sahéliens, était encouragée par le soulagement désespéré de populations fortement secouées par les difficultés de leurs armées face à ce nouvel ennemi.


Ces dernières nourrissaient leurs espoirs de leçons tirées des premières salves terroristes : confrontées à leurs réalités propres, les armées sahéliennes allaient ouvrir leur cœur, leurs placards et leurs livres comptables, bref les outils de leur gouvernance interne, à leurs anciens et nouveaux protecteurs.


Ceux-ci, fonctionnant sur des règles plus rationnelles, pour ne pas dire plus transparentes, allaient aider ces frères d’armes à corriger leurs mauvaises habitudes. Une nouvelle ère s’ouvrirait, sous les coups de boutoirs mortels et foudroyants de ceux qui prétendent « vaincre l’impérialisme par la foi. »


Le temps aidant, les cerveaux réticents à cette présence de troupes étrangères sur la terre de leurs ancêtres allaient engranger des victoires d’étapes.


Des terroristes non impressionnés.


La présence des troupes des puissances mondiales n’a pas, pour l’instant, impressionné les terroristes. Par moments, on pourrait même conclure que cette invasion sympathique stimule l’audace des desperados des temps modernes. Les malentendus entre ces troupes étrangères et les populations sahéliennes s’accumulent.


Tout récemment, Mahamat Saleh Annadif, patron de la Mission multidimensionnelle intégrée de stabilisation des Nations-Unies au Mali (MINUSMA), forte d’environ quatorze mille (14 000) personnes, a fait la mise au point, ci-après : « La lutte anti-terroriste n’est pas dans le mandat de la MINUSMA. »


Désormais, les attaques terroristes prennent une envergure mondiale. Sur le territoire américain, en Grande-Bretagne, en France, en Allemagne, en Espagne et en Belgique, des piqûres de rappel inimaginables sont administrées, secrètement ou un beau matin, à des pays qui croyaient avoir dompté le reste de l’humanité par la bataille de l’esprit : leur civilisation !


Et les têtus sceptiques de s’écrier, d’un contentement intellectuel endeuillé par l’horreur de tueries aveugles, de la façon balbutiante qui suit : « On vous l’avait prédit ! »


Repus du spectacle, même si la délectation aura été discrète – on a ses pudeurs – les partisans du rejet des troupes étrangères, tels les pays qui prônent la théologie sacrée de souveraineté nationale, sortent, pacifiquement, l’artillerie lourde. Cette présence extérieure, disent-ils, expose davantage nos pays et nos populations, transformés, à leur corps défendant, en cibles de l’ennemi, puisque, supposés consentants à ce débarquement d’un type nouveau.


En effet, l’installation des bases militaires s’effectue sans tapage. Y compris des Premiers ministres sahéliens qui observeront un silence politique, questionnés sur les conditions d’arrivée de bérets inconnus du paysage. Bien de parlementaires sahéliens avoueront, pour certains naïvement, avoir appris la présence de troupes étrangères dans leur propre pays « par les media internationaux ». C’est que « la Question » s’est discutée au sommet, c’est-à-dire entre le Chef de l’État et ses homologues des grands pays concernés.


Mais, sont-ils, vraiment, des « homologues » ? Une certaine diplomatie onusienne, certes fortement modulée par la toute-puissance du Conseil de sécurité, nous a appris, à nous, Africains, le principe du vote, un pays, une voix.


Cette politesse des Grands, qui nous gargarise d’illusions, par moments, ne doit pas endormir notre vigilance critique. Si des pays étrangers au continent s’autorisent à se saisir de questions aussi souveraines que la Défense et la Sécurité, c’est que nos pays sahéliens ont atteint, depuis des lustres, le fond.


Le débat, derechef, est ouvert. Blessés, touchés mortellement, nos gouvernements sont prêts à solliciter et à accepter n’importe quelle thérapie. Le bilan se fera après guérison. Mais ne crions pas toujours au complot ! Il nous reste, encore, un chantier que personne ne nous conteste : l’après-guerre anti-terroriste.


Olivier Guichard, compagnon de l’Ordre de la Libération, en France, n’avait-il pas dit, un jour de doute, à un certain De Gaulle, Charles : « Mon général, nous vous suivons, les yeux ouverts… »

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