L’extrémisme violent : Redéfinir l’angle d’attaque

 

Quel rôle pour les religieux traditionnels ?


En dépit des énormes moyens, militaires et financiers, déployés depuis deux décennies au niveau planétaire pour combattre le fléau, l’extrémisme violent ne cesse de progresser et de s’étendre à des zones nouvelles géographiques. N’est-il pas temps de s’interroger sur l’inefficacité   ou du moins l’insuffisance des approches jusqu’ici préconisées ? Ne se trompe-t-on pas lourdement sur la compréhension de ce phénomène qui est bien plus politique que religieux ?


La Ligue des Oulémas, Prêcheurs et Imams des pays du Sahel vient de tenir à Nouakchott, les 6 et 7 juillet, en collaboration avec l’Unité de Fusion et de Liaison (mécanisme de coopération régional) et avec la participation du Centre Africain des Etudes et des Recherches sur le Terrorisme (CAERT), un colloque ayant pour thème : ‘’ les manuels de l’enseignement de l’éducation religieuse dans les écoles et le rôle des leaders religieux dans la région du Sahel’’.


Des participants d’Algérie, Burkina Faso, Côte-d’Ivoire, Guinée, Mali, Mauritanie, Niger, Nigéria, Sénégal et du Tchad ont pris part à cette rencontre.


Ce Symposium, qui s’inscrit dans la continuité de l’action entreprise par la Ligue des Oulémas, Prêcheurs et Imams des pays du Sahel, depuis la tenue de son Vème atelier à N’Djamena (Tchad), en janvier 2017 et la rencontre d’Alger en mars dernier, doit permettre, selon ses organisateurs, d’entreprendre un travail d’analyse et de propositions pour mettre en place un manuel destiné à fournir aux formateurs les outils et les connaissances les plus appropriés pour optimiser l’enseignement de l’éducation religieuse dans les écoles.


Des représentants des organisations sous-régionales et régionales ainsi que des universitaires et des acteurs du champ culturel ont participé également à cette rencontre.


Tous s’accordent sur le rôle que doivent jouer les leaders religieux dans la lutte contre l’extrémisme et l’effort qui doit désormais être confié à l’école dans la détection des signaux du radicalisme violent. Il a même été suggéré de mettre en en place, au niveau des établissements scolaires de la région, d’un mécanisme de veille susceptible de ‘’détecter les jeunes présentant des signaux précurseurs du radicalisme à portée violente’’.


Cet atelier s’inscrit dans la nouvelle approche de la lutte contre le terrorisme largement soutenue de par le monde et qui préconise l’emploi des leaders religieux, particulièrement musulmans, dans la lutte contre ce fléau. C’est pourquoi on s’oriente, de plus en plus, vers l’introduction de l’enseignement religieux dans les écoles publiques, la formation des Imams et l’alliance avec les chefs religieux traditionnels.


Un phénomène plus politique que religieux.


Mais, faut-il encore le répéter, l’introduction des religieux dans la bataille contre l’extrémisme violent pourrait avoir un effet inverse du but visé en contribuant à entretenir et renforcer les racines du djihadisme. Car le terrorisme est un mode d’action, non une entité en soi, ni une idéologie, ni une religion.


Que ce soit en Occident, au Proche-Orient ou en Afrique, il demeure un mouvement de réaction à ce qui est présenté, ressenti ou vécu comme une agression. Au cours de toute sa sanglante histoire, il n’a jamais agi ex nihilo. Que ce soit en Irak, au Yémen en Somalie ou au Sahel, son essence est d’ordre politique et non religieux. Pour lui, le religieux n’est qu’un vecteur identitaire là où l’Islam est une référence sociétale endogène. Les leaders les plus connus des mouvements djihadistes ne sont pas des savants religieux mais plutôt des chefs politiques ou militaires. Même s’ils émettent souvent des avis religieux ou Fatwas, cela ne leur confère en rien le statut de savant religieux, car ils ont fait leur réputation dans l’action armée. Ainsi et franchement, vouloir leur opposer des leaders religieux traditionnels risque d’être ou contreproductif ou, pour le moins, improductif.


Il est vrai que les chefs religieux traditionnels ne prônent pas la violence armée. Mais ne développent-ils pas, et de plus en plus, un discours pour le moins rétrograde et particulièrement radical qui ne laisse aucune place à la femme, aux droits de l’homme, à la liberté religieuse ou à celle d’expression ? Dans son essence, leur discours n’est pas très différent de celui développé par les extrémistes. Et, même s’ils continuent d’exercer une influence certaine, au sein des opinions musulmanes, ils ne cessent pas néanmoins de perdre du terrain face aux terroristes qui véhiculent un discours démago-populiste fait d’amalgames et de slogans faciles à digérer par la masse des citoyens  dans la mesure où il prend une allure religieuse.


Au risque de commettre des erreurs dans l’évaluation des approches adoptées dans la lutte contre l’extrémisme violent, il serait opportun de prendre toutes les précautions nécessaires pour surveiller de près l’action de tous ces religieux. En effet, ils ont un grand besoin, comme disaient les opérateurs de télévision dans un passé récent, d’être tropicalisés. En d’autres termes de les adapter au niveau du climat sécuritaire.

 


 

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