TANT QUE LA PREVENTION EST ASSOCIEE AUX CONFLICTS LA PAIX DEMEURERA ELUSIVE

 

 

 

 

Les rapports de plusieurs commissions établies  l’année dernière par l’actuel  Secrétaire général des Nations Unies Ban Ki Moon pour évaluer la performance de l’organisation dans le domaine du maintien de la paix et de la sécurité internationales ont rendu  un jugement sévère: la prévention a échoué, et les opérations de la paix  ne sont pas à la hauteur des  menaces que confrontent les pays ou elles sont déployées.


Ce n’est pas la première fois que l’on redécouvre les vertus de la prévention après avoir fait le constat de l’échec des mesures déployées post-conflits pour faire face aux crises qu’on voyait venir mais  qu’on ne voulait pas ou pouvait pas prévenir. Bien que la prévention des conflits soit au cœur de l’arsenal d’ outils prévus par la Charte des Nations Unies pour le règlement pacifique des conflits, l’organisation mondiale a eu toutes les peines de traduire dans les faits ce principe.   Pour un grand nombre d’Etats souverainistes, la prévention est perçue comme un cheval de Troie pour justifier l’ingérence de pays tiers dans des affaires considérées comme éminemment internes.   D’autres pays, tout en reconnaissant que la prévention est une responsabilité souveraine des états, estiment que la communauté internationale ne peut rester indifférente quand les flammes d’un conflit interne risquent d’embraser les pays voisins et menacer la paix et la sécurité internationales.


L’adoption unanime en septembre 2015 par l’Assemblée générale des Nations Unies du Programme de développement durable a l’horizon de 2030  et l’adoption en avril dernier, conjointement par l’actuelle Assemblée et le Conseil de sécurité  deux résolutions identiques sur la pérennisation de la paix (SCR 2282 -2016)  constituent deux avancées normatives notables qui, aux yeux d’observateurs avertis, augurent bien de l’avenir de la prévention.


L’objectif 16 du développement durable, fait de la promotion d’une société paisible, juste et inclusive et la mise en place d’ institutions efficaces, responsables et ouvertes à tous des conditions sine qua non du développement durable et donc prémunissant les sociétés de l’instabilité et des conflits.  Quant aux  résolutions identiques émanant du Conseil et l’Assemblée générale, elles ont introduit le concept  de pérennisation de la paix comme étant un objectif et un processus permettant une vision commune d’une société qui tient compte de tous les groupes de la population et qui inclut des activités visant à prévenir le déclenchement,  l’intensification, la poursuite ou la récurrence des conflits et de s’attaquer à leurs causes profondes.


Vue sous cet angle, la prévention n’est plus définie uniquement comme  instrument de résolution de conflits  mais comme une fonction de la bonne gouvernance et du développement équitable.  Elle se trouve ainsi épurée des connotations négatives auxquelles elle a été jusqu’à présent associée dans le cadre desquelles les aspirations à la paix sont conçues comme étant l’absence de conflits et de guerres.


Ce nouveau paradigme ressuscite le concept de la paix positive vulgarisé dans les années 60 par le politologue Norvégien Johan Galtung et repris en 2007 par l’Institut de l’Economie et de la Paix pour analyser tant au niveau national que mondial les facteurs politiques, économiques qui favorisent la paix.  Parmi ces facteurs l’on peut citer un gouvernement performant, une distribution équitable des ressources, une acceptation des droits des autres, de bonnes relations avec les voisins et un niveau négligeable de corruption.


Ainsi libérée du mot « conflit »  mais bien ancrée dans les attitudes et institutions qui pérennisent la paix sociale, la prévention,  devrait occuper sans équivoque la place que lui a réservée la Charte des Nations Unies où la paix et la sécurité, le développement et les droits de l’homme sont indivisibles et se renforcent mutuellement au service de « nous les peuples ».  Il revient aux états membres de s’approprier de cette nouvelle vision et faire de la prévention la pièce maitresse de la bonne gouvernance et du développement durable et ainsi se prémunir des interventions exogènes de dernière minute au nom du maintien de la paix et la sécurité internationales.

 

Youssef Mahmoud, Conseiller Principal

 

Institut International pour la Paix, New York

Leave a comment

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *