Conseil de Sécurité des Nations Unies au Sahel.

Une délégation du Conseil de sécurité est arrivée ce week-end au Sahel. Elle visitera le Mali et le Burkina Faso. La crise durable du Mali et les inquiétants développements au Burkina expliquent ce choix. Mais, et après?

 

 

 

Une crise plus profonde et en expansion.

Depuis 2013 et la création de la Mission multidimensionnelle intégrée pour la stabilisation au Mali – MINUSMA – il s’agit du  quatrième séjour d’une mission du Conseil au Sahel. Les autres eurent lieu en février 2014, mars 2016 et octobre 2017. 

Comme ils le firent lors de chacune des visites dans la région du Conseil de Sécurité, les terroristes ont ‘’accueilli’’ la présente délégation onusienne par des attaques meurtrières le 19 mars et ce samedi 23 dans le centre du Mali. L’armée malienne a annoncée des dizaines de morts dans ses rangs et au sein des populations civiles.

La présente mission s’effectue avant une réunion ministérielle du Conseil, consacrée au Mali, la semaine prochaine. Le renouvellement du mandat de la MINUSMA étant prévu en juin 2019, cette mission est très importante pour toutes les parties : le Mali, ses voisins et ses amis. Au vu des enjeux, elle ne devrait pas être une mission ordinaire.

Pendant sa visite, la mission devrait évaluer l’efficacité opérationnelle de la force G 5 Sahel mise en place en février 2017. Quand bien même des états joueraient un double jeu, la qualité du Secrétariat à Nouakchott et la capacité du commandant de la Force devraient donner satisfaction à la délégation du Conseil.

Cependant, l’objectif principal de la Mission est de chercher à comprendre et à résoudre les questions importantes pour la paix et la stabilité au Mali. Les progrès réalisés dans la mise en œuvre de l’Accord de paix d’Alger de 2015 (DDR, patrouilles mixtes, développement dans le nord du Mali, etc.) sont particulièrement pertinents.

La prochaine évaluation, en juin prochain, de la Résolution 2423 (2018), adoptée par le Conseil en juin 2018, est importante pour l’avenir de la MINUSMA. Et, naturellement, celui des autres Forces de maintien de la paix des Nations Unies.

A juste titre, le gouvernement américain avait alors demandé qu’en l’absence de progrès significatifs dans la mise en œuvre de l’Accord d’Alger, le Secrétaire général des Nations Unies devrait proposer ‘’des options pour une modification significativement importante du mandat de la MINUSMA à l’expiration du présent mandat.’’

Sur ce point, la position du gouvernement américain est non seulement correcte mais également utile pour le Mali et les Nations Unies. Si elle était adoptée, elle apporterait une crédibilité indispensable aux opérations de maintien de la paix. Au Mali et ailleurs.

Il est grand temps que les autres membres du Conseil, ainsi que ls gouvernements concernes d’assumer leurs responsabilités. Un choix décisif est à faire: une force de maintien de la paix ne doit pas être l’éternel bouc émissaire, un tonneau des Danaïdes, toujours  diabolisée, alors que des accords de paix sont sans cesse renvoyés aux calendes grecques.  

Au-delà du Mali, l’enjeu actuel porte sur l’avenir des forces de maintien de la paix de l’ONU à travers le monde.

Mali, l’avenir des forces de maintien de la paix de l’ ONU.

Un bref rappel est nécessaire à tous ceux qui sont impliqués dans, ou concernés, par la mission de maintien de la paix.

Brièvement, les Forces de maintien de la paix furent établies en 1956 par l’Assemblée générale des Nations Unies afin de séparer les armées de deux États membres: l’Égypte et Israël. Également appelées Casques bleus, elles ont été créées par la Résolution 998 A de l’Assemblée générale le  4 novembre 1956 (la crainte d’un véto du Royaume-Uni ou de la France a conduit à éviter le Conseil de Sécurité en passant par l’Assemblée générale). Cette résolution autorisait le déploiement d’une force pour séparer les troupes égyptiennes et israéliennes sur le canal de Suez.

Cette Force de maintien de la paix de 1956 n’était pas destinée à s’interposer entre une armée gouvernementale et une rébellion intérieure. Elle séparait deux armées nationales dans un espace bien délimité autour d’une ligne de cesser le feu. Dans une guerre civile il n’y a pas de ligne de front à sécuriser ni d’armées officielles à séparer.

Bien que la plupart des conflits soient désormais internes – entre citoyens du même état – le Conseil de sécurité a toutefois gardé la même réponse: envoyer des Casques bleus comme naguère entre Egypte et Israël. C’est ici où se situent  les difficultés actuelles – de crédibilité, d’efficacité et de ressources – de l’ONU. Une présence militaire passive, coûteuse et non proactive, discrédite tout le système international.

Que ce soit en République démocratique du Congo, depuis 1960 ou au Mali, depuis 2013, les Casques Bleus des Nations Unies devraient être efficaces ou aider à s’adapter.

Il n’est alors pas surprenant que les troupes Onusiennes soient critiquées par toutes les parties. Du côté des gouvernements, qui ne peuvent survivre politiquement et même physiquement, sans elles, diaboliser les casques bleus est un exercice bien rodé. Certains états, demandent que le budget des troupes internationales soit exécuté par leur intermédiaire. Du côté des rébellions, on estime que les troupes de l’ONU prolongent inutilement le conflit.

Les doutes actuels des États-Unis sur le futur de la MINUSMA sont bien plus utiles que beaucoup le pensent. De fait, il est grand temps d’examiner l’utilité des soldats de la paix dans les conflits internes.

Dans mes mémoires ‘’ Plutôt mourir que faillir ’’, (Editions Descartes et Cie, Paris) j’ai suggéré, pour les conflits internes, de remplacer les soldats de la paix par une sorte de Forces Spéciales. Naturellement, le mandat de ces forces devrait être déterminé par le Conseil de Sécurité et la nature du conflit. Les réformes du Secrétaire General Antonio Guterres pour les Départements des Affaires politiques et du maintien de la Paix sont les bonnes.

In fine, on peut espérer qu’après la visite du Conseil de Sécurité au Mali et au Burkina, la recherche de la paix sera abordée après une analyse fondée sur les réalités des conflits internes.  

Aujourd’hui, appliquer à de nouveaux genres de conflits, le même traitement, conçu il y a plus de soixante ans pour une guerre classique entre deux États, est pour le  moins, hasardeux.

 

 Ahmedou Ould Abdallah, président de Centre4s