Le G5 Sahel : de nombreux défis

Le G 5 Sahel se trouve face à un catalogue de défis, aussi prioritaires les uns que les autres. La mobilisation d’appuis financiers, la stabilisation géographique de son état-major, la coopération entre les armées des pays membres, l’éradication des germes mêmes du terrorisme ainsi que la bataille de l’opinion figurent sur le tableau de bord de cette mutuelle régionale de sécurité et de développement.

 

 

Collaboration tous azimuts.

Beaucoup sur les épaules frêles d’États déjà fragilisés par la lutte contre les forces du mal. L’urgence se lit sur l’ensemble de ces voyants, allumés sur l’autoroute de la stabilisation.

Les pays du G 5 Sahel, que sont le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad sont d’abord occupés à mobiliser des fonds pour l’opérationnalisation de leur Force. Après les promesses, restent les décaissements, lents au regard de l’urgence des tâches. En effet, les partenaires multilatéraux et bilatéraux se sont engagés à hauteur de 414 millions d’Euros lors du sommet de Bruxelles, en Belgique, sur le Sahel qui s’est déroulé, en février 2018. Les engagements sont ventilés ainsi qu’il suit :

  • L’Union européenneversera 50 millions d’euros ;
  • Les cinq pays du G5 Sahel, 10 millions d’euros chacun ;
  • Le 30 octobre 2017, les États-Unispromettaient une aide de 60 millions de dollars aux etats membres ;
  • Le 13 décembre 2017, l’Arabie saouditeannonçait une contribution de 100 millions de dollars, et les Émirats arabes unis, une de 30 millions de dollars.

La Mauritanie, qui abrite le siège du Secrétariat permanent du G5 Sahel, insiste sur la nécessité d’assurer à la Force conjointe un financement adéquat et pérenne, de 423 millions d’euros au départ et de 115 millions d’euros par an, par la suite. En ce début de novembre 2018, on apprend, depuis le Forum international de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique, que seuls 100 millions d’Euros ont été décaissés.

Les terroristes ont aggravé ce problème financier. Le vendredi 29 juin, un attentat-suicide, à la voiture piégée, a visé le quartier général de la Force conjointe du Groupe de cinq pays du Sahel à Sévaré, dans la région de Mopti, Mali, faisant deux morts parmi les soldats maliens et onze blessés parmi les éléments de la Force conjointe, dont cinq Tchadiens, quatre Nigériens et deux Maliens. Tour à tour, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) et l’Union européenne se sont proposées pour reconstruire cette infrastructure.

En juillet, le Général Hanena Ould Sidi, précédemment chef d’état-major adjoint de l’armée mauritanienne, est nommé à la tête du commandement de la Force conjointe du G 5 Sahel. Un général Tchadien lui est nommé comme adjoint. Dans la foulée, le déménagement de l’état-major à Bamako est annoncé. Sévaré ou Bamako ? Le choix définitif de l’un ou de l’autre site reste à déterminer et peut supposer ou suggérer des stratégies différentes. Le transfert viserait à mieux profiter des commodités logistiques et de communication pour une meilleure coordination et conduite des opérations. Il serait prudent que d’autres explications éclairent davantage l’opinion publique des pays concernés par la question.

Depuis l’aggravation de la situation sécuritaire au Sahel, la même opinion a découvert l’insuffisance de la collaboration entre armées de la sous-région, alors que, bien souvent, la plupart de leurs officiers sont formés dans les mêmes académies militaires, qu’elles soient françaises, américaines, soviétiques, russes, marocaines, malgaches, camerounaises ou autres.

L’effort de rapprochement et d’harmonisation des stratégies et tactiques est à poursuivre, de manière accélérée, avec le soutien des partenaires exterieurs. Il s’agit, véritablement, d’insuffler une coopération dynamique entre les forces armées des pays concernés. La problématique pourrait se résumer en cette question : « Comment transformer la Défense nationale en Défense régionale ? » En particulier, le partage de renseignements demande des efforts gigantesques.

Le culte du secret ou la dévotion pour le mystère persiste. À l’intérieur même des États, cette mise en commun des efforts de collecte puis de diffusion des informations sensibles est laborieuse. Une forme de privatisation et de cloisonnement des données doit être démantelée, à coups de changements d’hommes, de comportements et de textes législatifs. Ce diagnostic est aisé à démontrer, alors que le combat anti-terroriste, dans le Sahel, a montré des failles dans ce domaine précieux du Renseignement. Des appels à la collaboration sont lancés par les Forces de défense et de sécurité, alors que la protection des informateurs s’impose comme un préalable. Le respect de l’État de droit, en zone de combat, n’est pas toujours garanti, ce qui refreine les ardeurs patriotiques des populations civiles.

Le produit renseignement est une denrée rare. En certaines circonstances, comme la couverture aérienne des territoires, pour laquelle les États du G 5 Sahel sont obligés de compter sur des appareils sophistiqués et coûteux et des bases étrangères implantées sur leur sol.

L’éradication des germes du terrorisme

Le G 5 Sahel a été créé en vue de lutter contre le terrorisme et les réseaux criminels transnationaux. Le combat n’est pas que sécuritaire et militaire.

Le développement du Sahel est un des moyens de s’attaquer au mal à sa racine, à savoir démobiliser les jeunes déjà engagés dans les groupuscules de terreur et dissuader l’autre partie de la jeunesse de s’enrôler dans cette croisade du désespoir, donc la vider de toute signification religieuse et de la moindre dimension spirituelle. Pour ce faire, un « Programme d’investissement prioritaire » (PIP), a été élaboré par le G5 Sahel. La première phase de cette entreprise titanesque couvre la période 2018 – 2020, et comprend 19 programmes et 105 projets dans divers domaines, pour un budget prévisionnel de six mille (6 000) milliards de FCFA. Un montant conséquent.

Les projets d’infrastructures représentent la part du lion, soit 75% des financements recherchés : construction de routes, aménagement d’ouvrages hydrauliques, électrification, couverture radioélectrique, création d’une compagnie aérienne régionale « Air Sahel », construction d’une ligne de chemin de fer, « Le Trans sahélien, de près de 6000 km et devant relier les États membres. Le portefeuille de projets du G 5 Sahel a d’autres chantiers, non moins névralgiques : la Lutte contre la radicalisation et l’extrémisme violent, la promotion de la femme, le développement intégré de la Jeunesse ainsi que la promotion des Droits Humains. Autant de défis, en termes de mobilisation de fonds ! Mais cette espèce de « montage financier » présente un avantage important : chaque bailleur de fonds peut s’investir dans son domaine de prédilection.

La bataille pour l’opinion publique.

« Les batailles les plus décisives sont celles de l’esprit » (auteur français Robert Escarpit). Parallèlement à ces projets pertinents, il est un autre combat que le G 5 Sahel doit gagner, celui de l’opinion publique.

À chaque bilan d’attaque défavorable aux Forces de défense et de sécurité, les opinions nationales ont tendance à s’enflammer. Tels des supporters s’auto proclamant « entraineurs », après une défaite de leur équipe favorite, les opinions ont vite fait de se muer en stratèges militaires. Et fusent les arguments de doxosophes, ces spécialistes de l’apparence :

– « Les officiers ne veulent pas combattre ! Ils envoient des jeunes, inexpérimentés, au feu ! »

– « Il faut mettre un militaire au ministère de la Défense nationale ! »

– « Voici venu le temps de nommer un homme de tenue au ministère de la Sécurité ! »

Des arguties, plus que des arguments, auxquelles des responsables militaires répondent, parfois, de façon tout aussi lapidaire :

– « Qu’est-ce que les civils connaissent à la chose militaire ? Rien ! »

Ces passe d’armes, oralement épiques mais contreproductives sur un plan opérationnel, prouvent, à souhait, que la communication des Forces de défense et de sécurité est à améliorer.

Le Secrétariat permanent du G 5 Sahel, basé à Nouakchott, République islamique de Mauritanie, en semble conscient et multiplie les interventions sur divers media et dans beaucoup de tribunes. Cette bonne pratique est à intensifier et à affiner.

Alors, le G 5 Sahel, un leurre ? Plutôt une lanterne et une lueur d’Espoir !