Le Sahel Sahara : négocier ne suffit plus.

L’enracinement est la conséquence de la paralysie de certains de ces dirigeants qui ne parviennent pas à reformer leur gouvernance à travers plus de transparence et à élargir leur assise politique et sociale.

 

Un cercle vicieux


Comme dans bien d’autres crises avant elle, celle du Sahel se transforme graduellement en crise structurelle, c’est dire qu’elle s’installe dans la durée. D’abord, sa persistance la banalise et en diminue ainsi progressivement la portée médiatique et donc son ”appeal ” ou, en d’autres termes, l’intérêt de la communauté internationale. Ce déclin médiatique n’en affaiblit pas pour autant les risques pour les états et leurs alliés extérieurs et ne résout pas les conséquences humanitaires. Par ailleurs, plus elle dure, plus cette banalisation devient progressivement une donnée internationalement acceptée pour et par la région. Cela veut dire moins d’attention et moins de ressources. Des acteurs publics et privés sautent souvent sur cette situation pour en tirer profit, perpétuant par là même la crise. Cette transformation en renforce l’enracinement national et régional rendant encore plus difficiles les possibilités de résolution. Un cercle vicieux s’établit aggravent les contradictions entre les états voisins autant que les appétits des rebellions.

 

Trop de viande ne nuit pas à la sauce.

 

Le 16 juillet se tiendra à Alger une réunion consacrée à la question malienne. Bien préparée, elle bénéficie de l’expertise des organisateurs en particulier de celle, avérée, du ministre des affaires étrangères algérien. D’autres médiateurs, facilitateurs et négociateurs y seront en appui, apportant leurs connaissances des hommes et des problèmes ainsi que leur bonne volonté. Si, comme disait feu le président Eyadema du Togo, ‘’ trop de viande ne nuit pas à la sauce’’, dans les négociations, trop d’intermédiaires déstabilisent le processus de paix. D’abord chaque médiateur a sa propre sensibilité, sa manière de procéder et sa lecture du conflit. Par ailleurs, sans nécessairement le vouloir, un médiateur peut être soumis à la surenchère des belligérants de même qu’à l’obligation de résultats. Ceci introduit la contrainte temps qui souvent pèse sur les organisateurs avec le risque de personnaliser les discussions afin d’aboutir au plus vite. Pour minimiser les effets de ces écueils, les négociations peuvent se tenir alternativement dans différentes villes. Cette option n’est pourtant pas sans couts financiers et risques de manipulations spécialement, mais pas uniquement, par les parties qui veulent faire durer les négociations pour leur propre prestige et pour d’autres avantages.

 

Cette situation vaut aussi pour la Centrafrique où les parties se retrouveront à Brazzaville les 21 et 23 juillet. Le Congo et le Gabon ont souvent aidé leurs voisins de Bangui mais ici aussi les choses ont bien changé et les frustrations sont telles que la base des mouvements politiques n’est pas nécessairement acquise aux compromis qui peuvent être atteints.

 

D’où la question: même si toutes les parties arrivent à un accord qu’en résultera t il sur le terrain? Au vu des nombreux accords signés par le passé et restés sans suite, la question reste pertinente. Mais d’abord quelles seront les parties invitées à la table de négociation? Les gouvernements et ceux qui se battent contre eux semblent les plus indiqués. Mais quelle place donner aux autres groupes et aux milices? Enfin, quels seront les points à inscrire à l’ordre du jour pour s’assurer que la paix sera durable?

 

Les parties non officielles

 

Dans les crises structurelles, celles du Sahel et de la Centrafrique en font partie, un accord de paix engage rarement au delà des signataires. Et encore ! D’abord parce que certains mouvements radicaux n’interviennent pas en public ou ne sont pas invités aux pourparlers. Ils n’en demeurent pas moins dépositaires d’un idéal apprécié des jeunes combattants et des sans emplois. Ensuite, d’autres extrémistes sont condamnés par les organisations internationales et tout retour à la paix les marginalise politiquement. Peuvent-ils l’accepter sans conditions? Sans doute pas.

 

Sur un autre plan, la gestion des conflits du Sahel Sahara comporte fatalement une dimension régionale. Pour en minimiser les inévitables effets secondaires – compétition entre états et intrusion abusive – le processus de négociation doit être inclusif sur le plan régional comme il doit l’être sur le plan national.

 

En fin de compte, deux questions plutôt simples s’imposent. Les organisateurs et les médiateurs ainsi que les principales parties au conflit auront-ils la volonté politique d’engager un véritable processus de paix ? Par ailleurs auront-ils la capacité requise pour aider à la mise en œuvre des accords signés ? Après des décennies de conflits et d’accords de paix chaque fois salués comme définitifs, la crise du Sahel semble aujourd’hui plus complexe et plus enracinée qu’auparavant et menace un plus grand nombre d’états.

 

Désormais, à elle seule, les négociations ne suffisent plus. Leur mise en œuvre effective est requise.

 

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Basé à Nouakchott, le Centre 4S a une vocation régionale puisqu’il couvre une bande allant de la Mauritanie en passant par la Guinée, au sud, et jusqu’au Tchad et au Soudan, à l’est, après avoir longé l’Atlantique et traversé la savane. Ses centres d’études sont la défense et la sécurité de la bande sahélo saharienne, la violence armée et le terrorisme, les rivalités pour le pétrole, le gaz et l’uranium, les migrations irrégulières dans et hors de l’Afrique, la contrebande de cigarettes, la drogue et les trafics humains, etc., l’environnement et les énergies renouvelables. Sa vocation est d’aider la région et ses partenaires internationaux – publics et privés, aussi bien que ceux de la société civile, les universités, les Forums et autres groupes – à davantage collaborer pour assurer la sécurité et la prospérité de la bande sahélo sahélienne

 

 

 

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