Mali et Centrafrique: deux fronts au Sahel

 

 

 

Une situation fluide.

 

Son principal objectif étant de sauver l’intégrité territoriale du Mali, et pas nécessairement d’éradiquer les groupes extrémistes, l’opération militaire française peut, à cet égard, être considérée comme une réussite.

 

Pourtant, la plupart des causes profondes de l’instabilité dans la région – exclusion, népotisme et irrédentisme, se sont plutôt accrues en raison des incertitudes politiques actuelles. La corruption, qui mine la plupart des valeurs, y compris celles de travail et de l’effort personnel, reste omniprésente. En outre, la nouvelle industrie du faux – papiers et documents officiels, biens de consommation courante, y compris les médicaments, affaiblit encore davantage les institutions publiques et exacerbe les frustrations des populations.

 

L’effritement de la crédibilité d’un certain nombre de gouvernements est manipulée avec succès par différents groupes – trafiquants, islamistes radicaux et jeunes chômeurs en colère. Bien qu’affaiblis et désorganisés par l’intervention française, les groupes armés exploitent les causes structurelles, toujours inchangées, à l’origine de leur dissidence pour prospérer socialement et politiquement.

 

Aujourd’hui, ces groupes sont en mouvement à travers le Sahel rendant plus dangereux l’ensemble de la région. Ils y déplacent combattants, armes et émissaires d’un lieu à l’autre, d’ouest en est, du  nord au sud à travers l’Algérie, le Mali, la Mauritanie, la Libye, Tchad, Tunisie, Egypte, Soudan,  Centrafrique.

 

Les radicaux ont conclu que la France est un puissant adversaire pour  être confronté directement et que, pour survivre, ils doivent se muer en groupes plus petits et donc plus flexibles. Pour maintenir le moral de leurs troupes et recruter de nouveaux volontaires, ils se présentent comme «les victimes de l’injustice et de pillage des ressources naturelles de leurs pays par des gouvernements locaux corrompus et appuyés par la France». Ce puissant message continue encore d’exercer un attrait auprès des populations du Sahel et  même dans un certain nombre de milieux  en France.

 

Les interventions de la France.

 

Dans des pays sans tradition de luttes longues et disciplinées, la stratégie actuelle des mouvements radicaux est précisément de durer à travers des attaques médiatisées menées contre des armées nationales ou étrangères et des individus. Ils pensent que de petites unités, organisées sur la base de clans ou de classes d’âge, constituent la meilleure stratégie pour atteindre leurs nouveaux objectifs.

 

Un bon de nombre de gouvernements est conscient de cette évolution ainsi que de la transformation de la nature de la menace. Dispersés à travers le Sahel, et en compétition entre eux, les petits groupes rebelles sont bien plus agressifs qu’AQMI, leur organisation mère.

 

Par ailleurs, au Mali et en Centrafrique, la proximité des élites avec les débats politiques internes françaises est souvent utilisée pour tenter de manipuler à leur avantage, parfois avec un certain succès, les politiques de Paris. La France est alors présentée comme un partenaire intéressé et non impartial.

 

Au Mali , et plus récemment en République Centrafricaine, les interventions militaires françaises – Serval et Sangaris, ont permis d’éviter la désintégration de deux Etats membres de l’Union africaine. Elles ont contribué à maintenir l’intégrité du Mali et à prévenir de graves massacres inter religieux à Bangui.

 

Pourtant, alors que la France est plus que jamais la «nation indispensable » dans le Sahel, la question qui se pose est à quel prix et pour combien de temps elle peut maintenir ce rôle?

 

Les couts financiers et logistiques de deux opérations militaires simultanées, pour gérer de lointaines confrontations inter ethniques ou inter religieuses, est trop élevé en temps de contraintes budgétaires. Cependant, le véritable obstacle face à la France est que les armées qu’elle côtoie ont souvent une approche de la pacification plus ethnique que professionnelle. Cela vaut  également pour la plupart des dirigeants politiques qu’elle veut soutenir !

 

Dans ce contexte, la meilleure arme pour affronter avec succès l’extrémisme violent reste le panachage de  l’utilisation de la force armée avec des réformes internes, politiques et économiques.

 

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Basé à Nouakchott, le Centre 4S a une vocation régionale puisqu’il couvre une bande allant de la Mauritanie en passant par la Guinée, au sud, et jusqu’au Tchad et au Soudan, à l’est, après avoir longé l’Atlantique et traversé la savane. Ses centres d’études sont la défense et la sécurité de la bande sahélo saharienne, la violence armée et le terrorisme, les rivalités pour le pétrole, le gaz et l’uranium, les migrations irrégulières dans et hors de l’Afrique, la contrebande de cigarettes, la drogue et les trafics humains, etc., l’environnement et les énergies renouvelables. Sa vocation est d’aider la région et ses partenaires internationaux – publics et privés, aussi bien que ceux de la société civile, les universités, les Forums et autres groupes – à davantage collaborer pour assurer la sécurité et la prospérité de la bande sahélo sahélienne.

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