Mali : Qui sera le tuteur de la paix ?


 

L’exécution de l’accord a déjà commencé, mais beaucoup d’observateurs continuent de s’interroger sur la partie, Etats ou organisations, disposée à accompagner, parrainer, faciliter et veiller sur l’intégration des anciens rebelles et leur engagement total dans le processus de pacification. Un rôle de tuteur est en effet essentiel pour la consolidation de la paix.

 

L’armée malienne a repris position vendredi (5 juillet) à Kidal, bastion des insurgés touaregs dans le nord-est du pays. Quelque 200 soldats maliens sont arrivés dans le camp militaire de la ville à bord d’une vingtaine de camions pickup.


Le gouvernement malien et les rebelles ont signé le 18 juin, à Ouagadougou, un accord devant permettre à l’armée de reprendre position à Kidal avant l’élection présidentielle. Bamako souhaitait que l’autorité de l’administration civile et de l’armée malienne soit rétablie dans la ville d’ici au scrutin du 28 juillet, qui est censé parachever le retour à l’ordre constitutionnel après le coup d’Etat militaire de mars 2012.


Appuyée par la communauté internationale, la médiation conduite par le président burkinabé, Blaise Compaoré, entre l’Etat malien et deux groupes rebelles touaregs a finalement abouti. Un accord de paix préliminaire a été signé, mardi 18 juin, entre Bamako et deux groupes touareg, le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) et le Haut Conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA), lors d’une cérémonie au palais présidentiel de Ouagadougou.


Les modalités techniques de cet accord sont en train d’être définies et exécutées par la négociation directe entre le gouvernement malien et les représentants des factions touarègues signataires de la paix. Jusqu’ici, il n’y a pas de grands problèmes, mais comme toute situation post conflit, des blocages risquent de surgir à tout moment et requièrent une pédagogie spéciale et un traitement particulier.


Autant il est vrai que l’affaire du Mali a été menée de manière brillante, sur le plan militaire et diplomatique, autant les difficultés ne doivent pas êtres sous-estimées pour la suite. Le renforcement de cette situation réclame des moyens très importants de la part de la communauté internationale.


Il faut une approche large et pragmatique. Il faut saisir, par exemple,  les interconnexions entre l’Afrique de l’Ouest et le Maghreb.  L’Algérie et le Maroc pouvaient jouer, ensemble ou séparés, le rôle ‘’d’arroseur’’  de la paix au nord Mali.


D’ailleurs Alger a toujours joué, dans le passé, le rôle de tuteur qui veille à l’application et à l’encadrement des accords passés avec les mouvements touaregs. Cette fois-ci, ce pays se contente de suivre les événements, faisant parfois penser au jeu traditionnel, dont l’accusent ses détracteurs, d’infiltration et de manipulation.  Objectivement, ce désintérêt algérien de la crise malienne pourrait être dicté par l’état de santé du président Bouteflika, même si l’Algérie est toujours resté hostile  à toute intervention étrangère dans la région.


Et si Alger et Rabat ne s’y intéressent pas, qui pourrait prendre le relais et accepter de s’engager à ‘’arroser’’ la paix au nord en ‘’s’occupant’’ des plus faibles, les anciens rebelles, afin d’être capable de les raisonner et de contribuer à leur intégration dans le jeu ?


Le président du centre 4S, Ahmedou Ould Abdalla, écrivait le 25 juin dernier, que  ‘’le Burkina a déjà beaucoup fait et continue. Forte de son expérience, l’Algérie reste silencieuse et, pour des raisons évidentes, la Libye est absente tandis que le Maroc joue la discrétion. Que peuvent apporter au Sahel les Pays du Golfe et la Turquie?’’


Il poursuit ‘’au Centre4s, une question lancinante préoccupe: qui fournira la carotte? Les états de la région, CEDEAO et Maghreb et aussi d’autres tels la France et les Etats Unis, ne peuvent ignorer qu’une paix durable a besoin de puissants tuteurs’’.


Si les pays du Golfe sont plus préoccupés par la situation chaotique dans le monde arabe, particulièrement la Syrie et l’Egypte, la Turquie, déjà engagée en Somalie, est vraiment bien indiquée et pourrait parfaitement faire l’affaire. C’est un pays émergent dans le monde, en bonne santé économique et plus ou moins sensible à la situation des pays musulmans. Le Mali, pays musulman en difficulté, pourrait ainsi entrer dans ses préoccupations.


Mais quelle est la partie fondée à solliciter l’implication de la Turquie dans le traitement des anciens rebelles Touaregs ? L’organisation des Nations Unis, qui gère le processus de pacification et de ‘’remise à niveau’’  de l’Etat malien à travers un représentant spécial, pourrait bien lui faire la demande.


En attendant que cette idée prenne son chemin, il faut savoir que les accords de Ouaga ont besoin d’être consolidés par une telle intervention ‘’informelle’’ dont l’objectif est d’intégrer les anciens rebelles à travers des ‘’facilités’’ matérielles, financières et même protocolaires, comme par exemple les invitations à l’étranger, des passeports diplomatiques…, bref un traitement de marque aux ex rebelles. A ce prix, modeste, on pourrait parvenir à maintenir la paix au nord Mali et éviter les ‘’rechutes’’.

 

 

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Basé à Nouakchott, le Centre 4S a une vocation régionale puisqu’il couvre une bande allant de la Mauritanie en passant par la Guinée, au sud, et jusqu’au Tchad et au Soudan, à l’est, après avoir longé l’Atlantique et traversé la savane. Ses centres d’études sont la défense et la sécurité de la bande sahélo saharienne, la violence armée et le terrorisme, les rivalités pour le pétrole, le gaz et l’uranium, les migrations irrégulières dans et hors de l’Afrique, la contrebande de cigarettes, la drogue et les trafics humains, etc., l’environnement et les énergies renouvelables. Sa vocation est d’aider la région et ses partenaires internationaux – publics et privés, aussi bien que ceux de la société civile, les universités, les Forums et autres groupes – à davantage collaborer pour assurer la sécurité et la prospérité de la bande sahélo sahélienne.

 

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