Sahel : pourquoi de multiples attaques du Burkina Faso ?

 

Plusieurs hypothèses.

Le premier attentat, attribué aux Jihadistes, au Burkina Faso, a été perpétré, à Ouagadougou, le 15 janvier 2016, alors que le pays attendait son premier gouvernement post-élections. Pourquoi le « Pays des femmes et des hommes intègres » est-il victime d’attaques aussi répétitives ? En effet, entre avril 2015 et cette date du 16 décembre, le Burkina Faso aura été attaqué pas moins de douze fois, à sa frontière Nord. Dans leur gibecière, les terroristes comptent soixante tués et près de soixante-dix blessés, deux otages, soit un Roumain et un Australien, en plus de dégâts matériels divers infligé à l’armée Burkina.

Plusieurs hypothèses circulent, dans la sous-région et ailleurs. Le Burkina Faso, pendant le long règne de l’ancien régime, était une sorte d’oasis pour la nébuleuse des mouvements armés du Nord-Mali. Leurs leaders, aux différentes négociations, qu’elles soient internes ou alors placées sous l’égide de pays tiers ou d’organisations internationales, ne voulaient être défendus que par le seul Blaise Compaoré, chassé du pouvoir par des manifestations populaires fin octobre 2014, et aujourd’hui réfugié de luxe dans la Côte-d’Ivoire voisine. Les orphelins de l’ancien président burkinabè, privés, en quelque sorte, de leur confortable base-arrière, se vengent-ils des populations burkinabè, coupables, à leurs yeux, d’avoir humilié leur principal avocat dans les différentes tribunes ? Coupables aussi de menacer, à terme, leurs juteux trafics : la drogue, la cigarette, les êtres humains, les armes, etc.

Les autorités maliennes qui, quelquefois, se sont réjouies de voir « des alliances contre nature se retourner contre leurs auteurs », se montrent-elles laxistes, dans le contrôle de leur longue frontière avec le terrible voisin méridional? C’est, peut-être, pour conjurer cette accusation que le président malien, Ibrahim Boubacar Keita, tel un médecin urgentiste, s’est dépêché de se rendre à Ouagadougou, au lendemain de la dernière attaque. Il a dévié les projectiles de critiques en redirigeant les regards vers ceux qui sont contre la reprise économique du Burkina Faso. Une semaine plus tôt, le Burkina Faso s’était vu promettre, par des partenaires internationaux, environ 13 milliards d’euros, contre 8 attendus, pour financer son Plan national de développement économique et social 2016-2020 (PNDES), à Paris. Ce que le président malien a qualifié de « fabuleuse mobilisation de ressources pour le développement du Burkina en un temps aussi court ». IBK avait ajouté, en guise d’avertissement : « Toutes choses qui ont l’air de déranger certains, mais ils ne réussiront pas. » La coopération entre les armées burkinabè et malienne devrait entrer dans une phase plus active, avec la proposition du président IBK de ratissage de la frontière commune par des patrouilles mixtes, entre autres.

XXVII ème Sommet France-Afrique.

Des Burkinabè, nostalgiques du régime de ‘’ l’exilé d’Abidjan ‘’, ou pour d’autres raisons, auraient-ils rallié les rebelles Touaregs, pour revenir s’en prendre à leur propre pays, avec l’appui de ces derniers ? Le président de l’Assemblée nationale du Burkina, Salifou Diallo, n’a pas pris de gants pour imputer les attaques aux tenants du régime défunt. La revendication du raid par un certain Malam Ibrahim Dicko, un prédicateur islamiste, originaire des lieux, et réfugié, semble-t-il, au Mali, accrédite cette thèse, qui reste à vérifier. Son groupe a, par ailleurs, mené des représailles contre des éléments ayant fait défection, la nuit du réveillon du 1er janvier 2017. Un imam a été tué et un autre habitant de la région a été grièvement blessé, au cours de deux opérations.

Autre hypothèse : l’attaque a eu lieu, quatre jours avant l’ouverture de grands procès d’officiers et d’hommes du rang, accusés de tentative du coup d’Etat du 14 septembre 2015 et de montage d’opération afin de libérer des prisonniers célèbres. Etait-ce une façon de donner le change à la Justice militaire du Burkina Faso, supposée malmener d’illustres figures militaires liées à l’ancien régime ?

Dans tous les cas, l’armée burkinabè semble prise de court par des combats, plus ou moins asymétriques, menés par des mains plus expertes que les siennes. A chaque attaque, elle ne compte que ses morts et ne comptabilise que ses dégâts, excepté lors de l’autre tragique épisode du 15 janvier 2016, où les jihadistes avaient laissé leur peau sur les lieux du crime. Mais, à cette occasion, les Forces de défense et de sécurité burkinabè avaient reçu l’appui de militaires français de la Force Barkhane, basée au Mali.

L’institution peine à convaincre son opinion nationale de son opérationnalité et de sa capacité à faire face aux incursions meurtrières venant du Mali. De manière générale, les éléments envoyés dans ces confins du Nord-Burkina sont de jeunes policiers, gendarmes et soldats, juste armés de Kalachnikov. Alors que la dangerosité et la complexité du contexte requiert, plutôt, le déploiement de militaires aguerris ou au moins plus expérimentés. A l’issue de chaque attaque, l’armée annonce l’expédition de renforts, destinés à des ratissages dont la pertinence n’éclate pas aux yeux. Problèmes de commandement, d’équipement, d’entrainement ainsi que faiblesse du renseignement ? L’opinion se perd en conjectures. L’heure est si grave que le président du Faso a procédé, le mercredi 28 décembre dernier, à la nomination d’un nouveau chef d’état-major général, en la personne du Colonel-major Oumarou Sadou. Il est natif de la région victime des attaques.

Les auteurs des attaques peuvent aussi avoir, à leur agenda, une perspective immédiate : peser sur le XXVII ème Sommet France-Afrique, que va abriter le Mali, le 13 janvier 2017. Le dernier Sommet que présidera François Hollande qui, un certain janvier 2013, empêcha, par l’Opération Serval, les Jihadistes du Nord-Mali de s’emparer du Sud et donc de prendre le pouvoir à Bamako. Tout un savant chronométrage…

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