Sommet EtatsUnis – Afrque

 

Quel ordre du jour pour une Afrique diverse?


Naturellement, personne ne peut imaginer que la conférence se limitera à une simple photo de famille. Au contraire, elle devrait être une occasion qui privilégie les rencontres bilatérales entre le président Barack Obama et les dirigeants des principaux partenaires économiques et politiques des États-Unis et traiter des questions d’intérêts mutuels. Cela voudrait alors dire parler de commerce et non de philanthropie.


A cet égard, il n’est pas sans intérêt de rappeler que l’Afrique est un continent immense, plus grand que la Chine, l’Europe, l’Inde, le Japon et les Etats-Unis réunis. Un continent dont les états ont des intérêts différents. Une approche différenciée appelle non pas à une réponse unique mais au cas par cas.


Longtemps après le Japon et la Chine il n’est certainement pas trop tard pour Washington de renforcer ses relations avec l’une des régions du monde aujourd’hui des plus dynamiques. Dans ce domaine, les États-Unis doivent innover en évitant de voir le continent comme une entité économique ou politique unique. Ils seraient bien avisés de soutenir les pays dont le succès pourrait servir de modèle pour les autres, en faire de bons élèves.

 

Quel sera le thème principal de la conférence: la coopération économique, la démocratisation accrue, les questions de sécurité ou tous ces sujets à la fois? Si Washington souhaite avoir un impact durable, ces points doivent être examinés pays par pays voire à un niveau sous-région. En débattre sur une base continentale, toute l’Afrique, comporte le risque de rester superficiel sur des sujets sensibles et de diluer les effets de toute politique. Si des pays font face à des difficultés communes, vouloir leur imposer une solution commune n’est pas la meilleure réponse.

 

A cette conférence et contrairement à ce que beaucoup peuvent penser, les enjeux sont bien plus élevés pour Washington que pour l’Afrique. Il ne devrait pas y avoir d’ erreur à ce sujet. L’un de ses enjeux est la nécessité pour les Etats-Unis de réaffirmer leur engagement en faveur de la liberté et de la démocratie. Naturellement, l’Amérique est toujours plus forte quand elle défend le respect des libertés politiques et économiques et individuelles. Cette posture allie en effet ses deux pouvoirs les plus emblématiques : le culturel et le militaire.

 

A ce niveau, du citoyen ordinaire au président, ne devrait exister aucun doute quant à la position américaine en la matière. Des ambiguïtés récentes, relatives à des violations de libertés politiques et à l’organisation d’élections non transparentes dans quelques pays africains, appellent à des clarifications pour rassurer une nouvelle génération d’africains plus exigeants.

 

S’adressant à ces mêmes Africains depuis Accra, en 2009, le président Obama avait déclaré que” l’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, mais d’institutions fortes”. Cinq ans plus tard, il devrait réaffirmer sa déclaration à l’époque fort bien accueillie. Une confirmation devrait prouver aux sociétés civiles africaines que sur cette position, il n’y a de recul ni de la part de Washington ni de ses partenaires des démocraties occidentales.

 

En dépit d’une croissance économique soutenue et de progrès notables en matière d’infrastructures physiques au cours des dernières années, de nombreuses économies africaines restent fragiles en raison de graves obstacles structurels. Parmi ceux – ci la corruption et le népotisme occupent une place prééminente. Ces tares de la mauvaise gouvernance, profondément ancrées, sont les véritables causes de l’extrémisme armé très spécifique à la région du Sahel Sahara. Une région où la combinaison de plusieurs menaces invite à une coopération globale entre tous les pays du Maghreb et les Etats du Sahel.

 

Les jeunes Sahel ne sont pas nés terroristes

 

Il convient de le répéter, la pauvreté n’est pas la cause principale de l’extrémisme violent dans le Sahel. Au contraire, elle conduit souvent à la résignation mais pas à la violence armée. Cependant, les effets combinés de la marginalisation, du mépris et du manque de tout espoir de trouver un travail décent, poussent les jeunes vers ce qu’ils considèrent comme une auto-défense contre les pouvoirs centraux. Ceux-ci sont perçus comme arrogants ou pour le moins insensibles.

 

Ces jeunes rejoignent les réseaux des trafiquants de cigarettes, des passeurs des migrants irréguliers et du transit de la drogue, en provenance d’Amérique latine sur sa route vers l’Europe. L’exclusion sociale est très souvent la cause principale des dérives de ces jeunes. Ils rejoignent les mouvements radicaux en vue d’obtenir une notoriété politique, un prestige social et des revenus financiers liés aux activités criminelles y compris la prise d’otages. Les jeunes du Sahel ne sont pas nés terroristes. Livrés à eux-mêmes, ils sont preneurs des meilleures offres d’amélioration de leurs conditions de vie.

 

Lutter contre les terroristes n’est pas seulement une nécessité, mais une obligation pour protéger la sécurité des pays et leurs infrastructures. Dans ce contexte, la mise en place par les États-Unis d’un fonds de lutte contre le terrorisme d’un montant de 5 milliards de dollars est la bienvenue. En outre, le maintien de l’appui américain à l’opération militaire française dans le Sahel, Serval rebaptisée Barkhane, reste important.

 

La plupart des armées africaines ont besoin de formation, de modernisation et de disposer de moyens de renseignement et de logistique toujours plus importants. C’est ainsi que des forces de police africaine et des bataillons militaires ont été formés et équipés au cours des dix à quinze dernières années par des pays amis, y compris les Etats-Unis. Très souvent, cependant, la plupart de ces troupes se sont effondrés à la première confrontation sur le terrain avec un groupe rebelle déterminé. Aujourd’hui, la priorité est plutôt de rendre ces armées plus professionnelles avec en particulier des systèmes de recrutement et de promotions fondés sur des critères non tribaux ou ethniques.

 

La bonne gouvernance reste la question.

 

Vaincre l’extrémisme armé nécessite le renforcement des libertés politiques et un combat crédible contre une exclusion sociale bien enracinée ainsi que la corruption endémique. Le terrorisme est largement produit et soutenu par une mauvaise gouvernance propice à son expansion. La nécessité de le combattre ne doit pas pour autant conduire à minimiser les méfaits de la manière dont les pays concernés sont gérés.

 

Tant que ces questions ne sont pas correctement traitées, une augmentation des ressources pour la lutte contre le terrorisme ne sera pas suffisante pour éradiquer ce fléau. En fait, comme ce fut le cas durant la guerre froide, l’allocation inconditionnelle des ressources pourrait contribuer à fossiliser un certain nombre de régimes, affaiblissant davantage les institutions des pays récipiendaires et nuisant à la réputation de leurs bailleurs de fonds.

 

L’une des priorités de Washington devrait être d’encourager l’élargissement des bases politiques de la plupart des régimes et la formation de coalitions gouvernementales. Ces coalitions pourraient mieux renforcer la crédibilité des réponses politiques, économiques et sociales aux exigences accrues des citoyens. Ceci est particulièrement vrai si les dirigeants africains veulent inverser les tendances rampantes de la retribalisation de leurs pays et les revendications ethniques des minorités souvent marginalisées dans les régions frontalières.

 

À l’ère de la communication de masse avec ses téléphones mobiles, twitters et ses programmes des télévisions satellitaires, la sécurité devrait être abordée à plusieurs niveaux, et pas seulement à travers le soutien à une approche musclée dans des pays où les institutions militaires sont bien plus fragiles qu’il n’y paraît.

 

Si le coût de l’inaction est élevé, celui d’une réponse inappropriée pourrait être pire.

 

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Basé à Nouakchott, le Centre 4S a une vocation régionale puisqu’il couvre une bande allant de la Mauritanie en passant par la Guinée, au sud, et jusqu’au Tchad et au Soudan, à l’est, après avoir longé l’Atlantique et traversé la savane. Ses centres d’études sont la défense et la sécurité de la bande sahélo saharienne, la violence armée et le terrorisme, les rivalités pour le pétrole, le gaz et l’uranium, les migrations irrégulières dans et hors de l’Afrique, la contrebande de cigarettes, la drogue et les trafics humains, etc., l’environnement et les énergies renouvelables. Sa vocation est d’aider la région et ses partenaires internationaux – publics et privés, aussi bien que ceux de la société civile, les universités, les Forums et autres groupes – à davantage collaborer pour assurer la sécurité et la prospérité de la bande sahélo sahélienne

 

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