Afrique – Europe : nouveau ou quatrième sommet ?

 

 

 

Malheureusement, les problèmes resteront entiers aussi longtemps que les deux parties n’auront pas commencé à s’attaquer aux causes profondes de l’instabilité et pas seulement à leurs épouvantables conséquences: massacres et souffrances des réfugiés et des personnes déplacées à l’intérieur de leurs pays.


Les difficultés pour mettre fin aux violences structurelles dans le Sahel ont de nombreuses causes, la principale étant les failles dans les diagnostics de la situation. Des troupes nationales et étrangères sont déployées, à un coût très élevé, pour combattre des rébellions dont les racines, profondément enracinées, ne sont guère prises en compte. Des exemples d’interventions passées, toutes considérées comme réussies en leur temps existent. La France, parfois soutenue par les États-Unis a effectué des missions de stabilisation en Afrique : Kolwezi au Congo démocratique en 1978, Mauritanie en 1977/78, Tchad et Centrafrique en 1980 / 90, Côte d’Ivoire en 2002 / 10, Mali et de nouveau Centrafrique 2013. En 2000, les forces spéciales britanniques ont débarqué en Sierra Leone pour réinstaller un président renversé et aider les troupes internationales en difficulté.


Les ressentiments profonds des populations sont la conséquence logique d’années de mépris, d’exclusion et de la corruption arrogante des élites. Ces ressentiments ont conduit des millions de citoyens à devenir allergiques à leurs gouvernements et par réaction à soutenir, encourager ou sympathiser avec toutes sortes de groupes rebelles. Cela a commencé dans les années 1980 au Libéria, suivi par la Sierra Leone, la Côte d’Ivoire et les crises sans fin en  Guinée Bissau et en Centrafrique.


Les griefs politiques mais aussi tribaux et religieux, profondément enracinés n’ont pas encore été dûment pris en compte comme les véritables causes de l’instabilité et donc le point de départ de toute mesure cherchant à stabiliser le Sahel. De fait, l’extrémisme violent est essentiellement l’expression brutale de ce désenchantement des populations. Tant que ces causes profondes restent sans réponse, l’envoi de forces multilatérales coûteuses ne saurait mettre fin à l’instabilité. Au contraire, la présence de troupes internationales pourrait exacerber les crises et tensions, comme en Afghanistan et dans l’Est du Congo.


Les guerres de basse intensité permettent à l’extrémisme violent de mettre sous pression continue les gouvernements locaux et de leurs alliés externes tout en stressant davantage les populations. Plus que la plupart des armées nationales, les militants ont la capacité de s’adapter aux crises, dont ils tirent en effet prestige et revenus.


Lors des indépendances dans les années 1960, ces armées ont été mises en place, souvent à partir de rien et équipées et entraînées pour la mission traditionnelle de toutes les armées : protection et défense de l’intégrité et de la souveraineté du territoire national. Au fil des ans, dans la plupart des pays, cette mission a largement évolué en défense du régime, du pays et enfin des citoyens. Ces armées sont-elle actuellement adaptées à la lutte contre les nouvelles rébellions et autres menaces ? Elles ne le furent pas au Libéria, en Sierra Leone et en Côte d’ Ivoire ni récemment en République centrafricaine.


Une réforme des armées est désormais nécessaire dans le Sahel Sahara pour faire face aux nouvelles menaces: les terroristes et les trafiquants. Manifestement, un nouveau type d’armées ou forces spéciales, pour mener à bien ces nouvelles missions est devenu indispensable. Mais cela implique beaucoup de choses : nouveau type de soldats professionnels recrutés sur la base du mérite mais aussi nouveaux équipements adaptés et des budgets additionnels. Cette réforme ne saurait remettre en cause le mandat traditionnel des armées nationales qui doivent continuer à jouer leur rôle classique pour la défense du pays et la protection des institutions. En outre, elles seront toujours nécessaires ne serait-ce que pour servir de dissuasion aux ambitions politiques des futures forces spéciales.


A Bruxelles, les deux parties Européens et Africains, ne peuvent faire l’économie d’un débat – public ou privé – sur les causes de l’instabilité endémique dans le Sahel. Les frustrations généralisées des populations et la nécessaire modernisation des armées du Sahel méritent un sérieux débat si ces pays et leurs partenaires extérieurs veulent vaincre ou du moins marginaliser l’extrémisme violent.


 

Dès lors, ce sommet devra être nouveau par ses conclusions et non simplement le quatrième sommet Afrique Europe

 

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Basé à Nouakchott, le Centre 4S a une vocation régionale puisqu’il couvre une bande allant de la Mauritanie en passant par la Guinée, au sud, et jusqu’au Tchad et au Soudan, à l’est, après avoir longé l’Atlantique et traversé la savane. Ses centres d’études sont la défense et la sécurité de la bande sahélo saharienne, la violence armée et le terrorisme, les rivalités pour le pétrole, le gaz et l’uranium, les migrations irrégulières dans et hors de l’Afrique, la contrebande de cigarettes, la drogue et les trafics humains, etc., l’environnement et les énergies renouvelables. Sa vocation est d’aider la région et ses partenaires internationaux – publics et privés, aussi bien que ceux de la société civile, les universités, les Forums et autres groupes – à davantage collaborer pour assurer la sécurité et la prospérité de la bande sahélo sahélienne.

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