Sahel : le précipice ?

 

 

 


Au Sahel Sahara où le contexte sécuritaire et diplomatique devient de plus en plus complexe, ces remarques générales s’appliquent au Mali, à la République Centrafricaine (RCA) ainsi qu’à leurs partenaires régionaux et internationaux.


Deux crises, mais un seul front


La poursuite simultanée de deux guerres dans le Sahara Sahel est plus à l’avantage des islamistes et autres groupes extrémistes violents qu’à celui des gouvernements locaux et de leurs alliés internationaux. Les rebellions ne peuvent que tirer parti des conséquences liées aux violences meurtrières de  Boko Haram au Nigeria, qui atteindront bientôt ses voisins, de l’anarchie chronique d’une Libye sans cesse plus fragilisée et, surtout, du nouvel alignement diplomatique qui se dessine dans le Sahel et marqué par le recul, temporaire, de l’Algérie.


Pour les extrémistes, les autres avantages sont liés au prestige généralement  associé à la résistance à une intervention extérieure. Ce statut de résistant, de même que la visibilité politique qui lui est liée, facilite la levée des fonds et le recrutement de volontaires pendant que les troupes étrangères internationales se trouvent  éparpillées sur de vastes distances.

 


Au Mali, comme en RCA, il y existe deux situations différentes qui méritent d’être traitées différemment. Dans le premier cas, la paix doit être consolidée tant que cela est encore relativement facile et pendant que la communauté internationale est toujours intéressée. En RCA la nécessité d’imposer la responsabilité de protéger ou R2P est évidente (un gouvernement qui ne peut protéger sa population) quand bien même  sa mise en œuvre reste problématique.


La crise au Mali dure depuis bien longtemps et demande une approche novatrice. Les  prochaines discussions ne peuvent ignorer l’importance pour les populations de  vivre en paix et pas seulement de parler de paix. Les négociations doivent viser  à aboutir à une solution satisfaisante plutôt qu’à démontrer qui a tort et qui a raison ou à plaire à tel ou tel groupe extrémiste au sein de chaque parti. En réalité, toutes les parties connaissent la nature de l’accord final, mais comment y arriver reste la vraie difficulté.


Le succès implique l’emploi judicieux de la diplomatie, l’aide humanitaire, le développement et naturellement l’usage efficace de la force. En RCA cependant, la force ne doit pas être perçue comme dirigée contre un groupe national, ethnique ou religieux, dans la mesure la perception est souvent plus importante que la réalité. La plupart des organisations des droits de l’homme  et bien d’autres, partagent le sentiment qu’il existe un nettoyage ethnique, organisé, contre les musulmans, nationaux ou simples résidents.


Dans un contexte fluide, où les combattants peuvent se déplacer et communiquer facilement, dans et à travers les frontières, l’exclusion, religieuse ou autre, ne produit que des victoires éphémères. La résilience d’une minorité ne doit pas être minimisée par ceux qui cherchent une solution durable.


Au Sahel comme ailleurs, la sécurité est étroitement liée à l’environnement géostratégique. Cette sécurité sera sans doute exacerbée par le nouvel alignement diplomatique actuellement en cours.


En raison de son incapacité, ou de sa réticence, à secourir le Mali pendant la crise 2012, le CEMOC, le groupe militaire basé à Tamanrasset en Algérie, a perdu en capacité dissuasive et en crédibilité en tant qu’organe chargé de traiter des questions de sécurité. En outre, tant au niveau militaire que politique, les pays du Sahel ressentent encore la passivité de l’Algérie lors de la crise malienne de 2012. C’est, précisément à ce niveau, que l’engagement du Maroc dans le Sahel est favorablement bien  accueilli dans les milieux civils et militaires de la région. L’UA ne peut continuer à ignorer cette réalité.

 

Lutte pour la direction régionale.


Dans ce contexte, le groupe G 5 composé du Burkina Faso, du Mali, de la Mauritanie du Niger et du Tchad, a été créé ce 16 février à Nouakchott, en Mauritanie. Officiellement, le G 5 fait suite à la visite au Sahel, en octobre dernier, du Secrétaire général de l’ONU, du président de la Banque mondiale, de la présidente de la commission de l’UA, du président de la Banque africaine de développement et du  commissaire européen au développement. Ils ont fait une promesse de mobiliser 8 Mds USD pour soutenir la sécurité et le développement dans le Sahel.


Cependant, dans certains milieux régionaux, le G 5 n’est pas considéré comme un regroupement innocent dont l’unique objectif serait de répondre à la crise économique et humanitaire qui prévaut au Sahel.


Depuis le milieu des années 1970, divers organismes, dont le CILSS (Comité Inter Etats de Lutte contre la Sécheresse au Sahel), le Club du Sahel, le CEN-SAD, ont été mis en place avec comme vocation principale la lutte contre la sécheresse et l’assistance  humanitaire dans le Sahel.  Alger, et dans une certaine mesure d’autres capitales dont Dakar, se demandent pourquoi ce nouveau groupement et surtout avec une composition si restreinte ?


Alger estime que tous les accords de paix et de sécurité dans le Sahel devraient être placés dans le cadre général du ‘’ processus de Nouakchott ” adopté en 2013. Un processus qui a été organisé sous les auspices de l’Union africaine où Alger jouit  d’un leadership incontesté. Pas convaincu, voire hostile à la formation du G 5 et de ses objectifs supposés, le ministère algérien des Affaires étrangères a déclaré que  ‘’le processus de Nouakchott a été adopté par les cinq membres du G 5, plus six autres membres de l’UA et constitue donc l’architecture principale pour opérationnaliser la paix et la sécurité dans le Sahel Sahara’’.


Cette déclaration est une volonté claire de placer le G 5 dans le cadre plus large de l’UA et donc sous la supervision son commissaire en charge de la paix et de la securité.


Quel avenir ?


Aujourd’hui, il est nécessaire ” de voir le Sahel tel qu’il est et non le Sahel tel que nous voulons qu’il soit “.


Dès lors, si la communauté internationale continue de rester passive au vu des abus liés à la gouvernance locale –  corruption endémique, exclusion sociale, rétribalisation des états et trafics divers dont celui de la drogue,- les groupes radicaux et autres extrémistes, devraient s’attendre à des jours plus heureux dans le Sahel.


Si elle ne peut être plus efficace contre ces abus, qui sont les causes véritables de l’instabilité, la communauté internationale devrait revoir sa présence militaire au Sahel et se préparer à quitter la région.


 

Elle éviterait ainsi aux populations locales, à ses finances publiques ainsi qu’à sa crédibilité, des difficultés similaires à celles rencontrées en Afghanistan et dans la région des Grands Lacs d’Afrique où elle se trouve piégée depuis plus de 50 ans.

 

 

—————————————————————————————-

 

Basé à Nouakchott, le Centre 4S a une vocation régionale puisqu’il couvre une bande allant de la Mauritanie en passant par la Guinée, au sud, et jusqu’au Tchad et au Soudan, à l’est, après avoir longé l’Atlantique et traversé la savane. Ses centres d’études sont la défense et la sécurité de la bande sahélo saharienne, la violence armée et le terrorisme, les rivalités pour le pétrole, le gaz et l’uranium, les migrations irrégulières dans et hors de l’Afrique, la contrebande de cigarettes, la drogue et les trafics humains, etc., l’environnement et les énergies renouvelables. Sa vocation est d’aider la région et ses partenaires internationaux – publics et privés, aussi bien que ceux de la société civile, les universités, les Forums et autres groupes – à davantage collaborer pour assurer la sécurité et la prospérité de la bande sahélo sahélienne.

Leave a comment

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *