Boko Haram: la reconnaissance internationale.


 

 

 

Membre du Conseil de Sécurité, la seule institution ayant la responsabilité du maintien de la paix et de la sécurité internationale, la France, avec l’Union Européenne à ses côtés, est dans son rôle avec la tenue de ce Sommet. La participation de deux autres membres permanents du Conseil de Sécurité, la Grande Bretagne et les Etats Unis, renforce la légitimité du Sommet.


Cependant qu’elle en sera la suite sur le terrain et en particulier comment gérer la reconnaissance internationale ainsi acquise par Boko Haram?


La réalité de la crise.


Comme dans d’autres grands pays du Sud – Brésil, Philippines, Indonésie, une violence endémique et banalisée fait partie du quotidien Nigérian. Des groupes d’intérêts politiques, sécuritaires et économiques ont appris à vivre avec cette violence brutale et aussi à en profiter.

La corruption généralisée a fini par révolter les citoyens même les plus passifs. Aujourd’hui, la coupe est pleine et le système est rejeté par des populations qui disent n’avoir plus rien à perdre et tout à gagner. Boko Haram qui dénonce cette gouvernance comme inféodée à l’occident, bénéficie de puissants appuis locaux et sans doute aussi de soutiens extérieurs. Les populations locales et de la région s’indignent contre la persistance de leur marginalisation.

Des membres de Boko Haram se comparent aux ex rebelles du Mouvement pour l’Emancipation du Delta du Niger ou Mend, les sudistes dont les terres ont été détruites par l’exploitation pétrolière. Ils s’inspirent de leurs revendications: négociations et compensations financières. Mais pour combien de temps attendront ils ?

Boko Haram pense que seule l’horreur lui assurera publicité et reconnaissance. Les  voilà aujourd’hui à la une des medias internationaux et face à une coalition de volontaires.


Après le sommet de Paris?


Boko Haram est au départ un simple réseau établi en 2002 par un certain Mohamed Youssouf appelant à l’application de la Chari’ a. Il a dû bénéficier d’appuis puissants et de solides complicités. Dans un Sahel où les réservoirs de frustrations sociales sont pleins, toute rébellion est assurée de l’appui et de la sympathie des populations. De surcroit, ces révoltes offrent des opportunités d’acquérir des revenus financiers et la reconnaissance sociale en plus de promesses de l’au-delà.


Avec la médiatisation de l’enlèvement des lycéennes et le sommet de Paris, Boko Haram a acquis la notoriété internationale fut elle par l’horreur ! Est-il un  allié d’Aqmi ? Sans doute. Mais sa base humaine autant que sa légitimité politique dans le Sahel sont bien plus établies. Boko Haram peut se déplacer et communiquer dans un terrain favorable: l’espace Haoussa, Kanouri, Peuhl et Toubou. La médiatisation de la crise renforcera les solidarités ethniques à travers cet espace, en phase d’expansion. Ainsi se consolidera le chainon manquant entre la crise malienne au Sahel occidental et celles de la Centre Afrique et du Soudan.


Pouvait-on inviter Boko Haram à Paris comme partie au conflit? Impossible à ce stade. Il est cependant utile, tout en combattant ce groupe, de commencer à réfléchir à une future discussion avec lui. Au niveau du Nigéria, une gestion du conflit comparable à celle réussie avec les rebelles du Mend peut être envisagée.


Agir au plus vite peut aider à contenir et maitriser la montée en puissance régionale de Boko Haram. Devenu  médiatiquement aussi important qu’Aqmi, le groupe peut maintenant attirer davantage de volontaires et recruter des combattants autrement plus déterminés parce qu’imbus du passé des empires historiques du Borno et du Kanem. S’y ajouteront les appuis venant d’Egypte, Libye, Soudan et Algérie. Au moment où les conflits de la Centrafrique et du Mali s’enlisent, c’est tout le Sahel Sahara qui sert d’aimant pour les jeunes révoltés et autres victimes de la ‘‘hogra’’ (mépris des dirigeants).


Dans ce contexte, les objectifs du Sommet de Paris – organiser et coordonner la lutte contre l’extrémisme violent –  dans une région où les suspicions entre voisins sont souvent anciennes et légitimes et les motivations des soldats sont différentes de celles des rebelles, ne seront pas aisés à atteindre.

 

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Basé à Nouakchott, le Centre 4S a une vocation régionale puisqu’il couvre une bande allant de la Mauritanie en passant par la Guinée, au sud, et jusqu’au Tchad et au Soudan, à l’est, après avoir longé l’Atlantique et traversé la savane. Ses centres d’études sont la défense et la sécurité de la bande sahélo saharienne, la violence armée et le terrorisme, les rivalités pour le pétrole, le gaz et l’uranium, les migrations irrégulières dans et hors de l’Afrique, la contrebande de cigarettes, la drogue et les trafics humains, etc., l’environnement et les énergies renouvelables. Sa vocation est d’aider la région et ses partenaires internationaux – publics et privés, aussi bien que ceux de la société civile, les universités, les Forums et autres groupes – à davantage collaborer pour assurer la sécurité et la prospérité de la bande sahélo sahélienne.

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