République centrafricaine : Une présidente pâle et deux anciens présidents bien présents

 

Les exactions de la coalition musulmane Séléka sur les « populations chrétiennes » allaient provoquer des réactions de la part d’un mouvement d’autodéfense, à l’origine, les Anti-balaka (machettes en sango). Le groupe est fortement soupçonné, par la communauté internationale, d’être instrumentalisé par l’ancien président Bozizé et son fils Francis, ancien ministre chargé de la Défense, dans le gouvernement de son père, jusqu’aux premières défaites majeures des Forces armées centrafricaines (FACA) face aux redoutables rebelles de la Séléka. Bozizé, comme Djotodia, de ce fait, vient d’être frappé de sanctions internationales, par le Conseil de sécurité de l’ONU et par le président américain, Barack Obama. Ce sont les coups de boutoir des Anti-balaka qui ont eu raison de la présidence de Djotodia, sommé, par ses « pairs » d’Afrique centrale,de démissionner, le 10 janvier 2014, à N’Djaména, au Tchad. Seulement, la Séléka n’avait point dit son dernier mot.


La majorité du parlement provisoire, le Conseil national de la Transition, lui est acquise. Son président, Alexandre-Ferdinand Nguendet est un de ses ardents disciples. En neuf mois de pouvoir, la Séléka a su apprivoiser ou corrompre la classe politique centrafricaine. Résultats des courses : en janvier 2014, les deux candidats favoris à la succession de Djotodia… étaient pro-Djotodia. Il s’agit, justement, de Madame Samba-Panza et de son adversaire malheureux, Désiré Bilal Kolingba, ancien ministre de Bozizé et fils du défunt président André Kolingba, au pouvoir entre 1981 et 1993. Dans le gouvernement formé par le nouveau Premier ministre nommé par la présidente, la Séléka est, officiellement, représentée par six ministres, dont un neveu et un cousin de… Djotodia !


La revanche de Bozizé


De son côté, Bozizé, dans son désir de revanche sur ses tombeurs, Djotodia, la Séléka et le Tchad du Président Idriss DébyItno, et dans son appétit de restauration de son régime, ne chôme guère.

D’abord, c’est, en partie, sous la pression militaire et politique des Anti-balaka que Djotodia a dû démissionner avec son Premier ministre, Nicolas Tiangaye, ennemi intime et politique de … Bozizé ;

Ensuite, les exactions à l’encontre des musulmans sont aussi le fait des mêmes Anti-balaka, et Bangui a été, particulièrement, nettoyé de sa population professant cette religion. Une part importante a fui, essentiellement, vers le Tchad, l’autre ayant dû être évacuée, par les Nations-Unies, dans les villes du Nord-Ouest et du Nord-Est du pays. Le Tchad doit, à présent, supporter le poids du retour de ses propres ressortissants, près de douze mille (12 000), anciennement installés en RCA, en plus de celui des réfugiés centrafricains, estimés à cent mille (100 000). Le Tchad a lancé un appel à l’aide afin de pouvoir continuer à les secourir. Double peine donc pour Déby.


Puis, les troupes tchadiennes, composante stratégique de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique (MISCA), ont été harcelées par les Anti-balaka, jusqu’à ce qu’elles commettent l’irréparable : « des tirs indifférenciés sur des civils », d’où leur retrait éclair. Une humiliation pour cette armée, auréolée de son épopée malienne, pendant laquelle elle a su démontrer sa supériorité au combat face aux armées ouest-africaines. Une troisième peine pour le même Déby.


Enfin, au regard de leur force de frappe et de leur popularité relative, la Force française en République centrafricaine, Sangaris, et la MISCA, ont été amenées à reconnaître les Anti-balaka comme « une partie de la solution à la crise centrafricaine ».


A côté, la présidente peine à s’affirmer. Violant les Accords de Libreville, censés organiser la vie politique et les institutions du pays jusqu’aux élections générales de février 2015, elle a nommé un Premier ministre non issu de l’Opposition politique, d’où le courroux des principaux partis, qui ont boudé le nouveau gouvernement. Officiellement, leurs dirigeants jurent, la main sur le cœur, qu’ils apportent leur « soutien » à la Transition. En réalité, ils piaffent d’impatience de conquérir le pouvoir d’Etat qui est revenu à deux personnalités extérieures à leur classe.


La présidente a qualifié son gouvernement de « technocrate ». Devant l’amateurisme de certains ministres, une partie de l’opinion a vite fait de peindre le Premier ministre comme quelqu’un « qui n’a de technocrate que ses lunettes ». Le gouvernement voit son « immobilisme » et son « affairisme » dénoncés à longueur de pages, dans les journaux, sur la toile et dans des chancelleries. Il semble que, faute de la définition claire des priorités de leurs départements, beaucoup de ministres passent leur temps à effectuer des « missions » à l’extérieur, rendant difficile la tenue du Conseil hebdomadaire des ministres. Et pourtant, les urgences sont reconnues, dans la « Feuille de route » du gouvernement de Transition :

– la restauration de la sécurité et la consolidation de la paix ;

– l’assistance humanitaire ;

– la politique et la gouvernance ;

– la relance économique.


Pour sa défense, le gouvernement évoque « la confiscation de la souveraineté de la République centrafricaine par la communauté internationale et l’absence de moyens. » Par exemple, sa demande de réarmement des FACA a été retoquée par les Nations-Unies, au motif, avéré, qu’une partie d’entre elles sont devenues des anti-balaka, donc des partisans de…Bozizé. Alors que la présidente de la Transition comptait s’appuyer sur cette armée, à réformer, pour la restauration de l’autorité de l’Etat et de la sécurité, sur l’étendue du territoire national, aux côtés des Forces internationales.


La République centrafricaine vit ce paradoxe : les autorités effectives rasent les murs, tandis que les anciens chefs d’Etat, sans mandats officiels, continuent de diriger le pays, depuis leur exil doré…


André-Marie POUYA,

Journaliste & Consultant

 

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