Eviter la «somalisation» du Mali

 

 

 

Multiforme, tenace et persistante, la crise au Sahel-Sahara – dont la situation critique au Mali n’est que la manifestation la plus emblématique – conditionnera probablement la stabilité de l’Afrique sahélienne et du Maghreb si une solution globale et durable n’est pas rapidement trouvée.

Cette solution globale a été esquissée par une quarantaine de participants de haut niveau, réunis lors de la conférence de Tunis sur le rôle des acteurs extérieurs au Sahel, qui s’est tenue les 30 et 31 août, à l’initiative du Centre des stratégies pour la sécurité du Sahel Sahara (Centre 4S). Elle repose sur un certain nombre de mesures qui pourraient conduire à la stabilisation de l’espace sahélo-saharien.

En premier lieu, l’adoption d’une position commune ferme face aux versements de rançons pour la libération d’otages détenus par Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) ou par d’autres groupes terroristes est devenue une nécessité impérieuse afin de couper aux trafiquants et autres radicaux leur principale source de financement. Conformément aux résolutions des Nations unies et de l’Union africaine, cette position doit être respectée par tous les gouvernements. Il faut attaquer le nerf de la guerre: l’argent.

En second lieu, pour rester maîtres de leur destin et de l’enjeu de la sécurisation de l’espace sahélien, les acteurs régionaux concernés doivent s’associer au plus vite afin d’éviter, s’il n’est déjà trop tard, l’internationalisation de la crise. Cela veut dire une coopération renforcée entre tous ces Etats dont les liens économiques et politiques avec le Mali sont avérés, et qui peuvent et veulent aider à la sortie de crise.

Ce serait là le deuxième pilier d’une stratégie visant à adopter une nouvelle approche plus inclusive des pays de la région et moins centrée – comme jusqu’à présent – sur le sécuritaire et le militaire. Une approche qui permettrait aux Maliens de trouver le chemin de la médiation dans un cadre géostratégique rénové et plus solide.

Les derniers développements en date, dont l’exécution d’un diplomate algérien – odieuse et condamnable si elle se confirmait – et l’appel par le président malien à la Cedeao, sont en effet de nature à indiquer que nous atteignons un niveau crisogène aigu, précurseur de dangers grandissants pour les populations établies dans le septentrion malien. Comment rester indifférent au sort de plus de 250000 réfugiés et 170000 déplacés internes maliens? Leurs souffrances nous interpellent chaque jour.

Le coût de l’inaction pourrait être le basculement du Sahel-Sahara dans un chaos dont les principaux bénéficiaires seraient les trafiquants et les extrémistes.

Cependant, action rapide ne doit pour autant pas signifier action désordonnée et opaque. Afin de rétablir la confiance entre les acteurs, des instruments de traçabilité des aides financières, matérielles, logistiques et militaires doivent être mis en place, sous l’égide des Nations unies. Cela permettrait, avec l’Union africaine, de se focaliser sur la résolution du problème et non d’ouvrir un débat sur ses modalités de mise en place. C’est le troisième sujet primordial car, trop souvent, l’on a vu affluer des promesses d’aide, avant de constater l’érosion de ces bonnes intentions sur l’autel de promesses difficiles à ­tenir.

Le Sahel-Sahara est à un tournant: il est nécessaire que l’on s’assure vite de la mobilisation de chacun dans la recherche de solutions durables pour sécuriser cette nouvelle zone crisogène du globe.

Est-il utile de rappeler que des lieux très symboliques pour la communauté des croyants, dont Tombouctou, se trouvent aujour­d’hui entre les mains de forces disparates et aux objectifs troubles? Cette dimension spirituelle et culturelle oblige, car avec la chute de Tombouctou et la destruction par les radicaux de plusieurs de ses lieux saints, c’est un peu de la dignité de l’humanité qui s’est envolée en fumée, alors que beaucoup détournaient le regard, préférant se focaliser sur des problèmes économiques sans doute prégnants.

Ne laissons pas le Sahel basculer dans le pire scénario, celui qu’a connu la Somalie. Personne ne pourra affirmer n’avoir pas été mis au courant du drame qui se déroule sous nos yeux.

 

*Basé à Nouakchott, le Centre 4S a une vocation régionale puisqu’il couvre une bande allant de la Mauritanie en passant par la Guinée, au sud, et jusqu’au Tchad et au Soudan, à l’est, après avoir longé l’Atlantique et traversé la savane. Ses centres d’études sont la défense et la sécurité de la bande sahélo saharienne, la violence armée et le terrorisme, les rivalités pour le pétrole, le gaz et l’uranium, les migrations irrégulières dans et hors de l’Afrique, la contrebande de cigarettes, la drogue et les trafics humains, etc., l’environnement et les énergies renouvelables. Sa vocation est d’aider la région et ses partenaires internationaux – publics et privés, aussi bien que ceux de la société civile, les universités, les Forums et autres groupes – à davantage collaborer pour assurer la sécurité et la prospérité de la bande sahélo saharienne.

 

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