Forum de Rabat 25 Janvier 2012

 

Le Printemps Arabe et l’Afrique subsaharienne

Quelques observations:

Le printemps arabe a surpris de nombreux experts nationaux et internationaux qui souvent, en effet, puisent aux mêmes sources d’informations. Le printemps Arabe nous rappelle aussi qu’il faut se méfier de l’eau dormante comme de la patience des peuples.

L’Afrique est un continent vaste et très divers. Certains états sont proches culturellement, historiquement et géographiquement du monde Arabe pour être indifférents aux évènements qui s’y déroulent. Le Printemps arabe, y a été suivi et vécu au quotidien par de nombreux états et particulièrement par ceux de la bande sahélo-saharienne.

Un impact non négligeable:

Du fait du développement des technologies de l’information, en particulier la facilité d’accès aux grandes chaines satellitaires et sa large population émigrée en Libye et en Tunisie, l’Afrique est directement concernée par le Printemps Arabe.

Après l’étonnement et la surprise des premiers jours, l’opinion a en général exprimé sa satisfaction et même son enthousiasme en apprenant la chute des dictateurs.

Satisfaction aussi de la population et de certaines élites devant le courage et le succès de la jeunesse tunisienne et égyptienne ainsi que la qualité politique et civique de leurs revendications.

Ces populations et ces élites espéraient, elles aussi, pour leur pays des changements qui allaient améliorer leur situation : dignité, progrès, emploi et transparence dans la gestion des affaires publiques.

En même temps que ces sentiments d’euphorie, il y avait aussi chez certains, la crainte des conséquences désastreuses des crises nord africaines sur le sort de leurs compatriotes vivant dans les pays arabes concernés.

Le cas de la Libye, avec la chute de Kadhafi a fini par être celui aux conséquences les plus significatives sur l’Afrique subsaharienne. Parmi celles-ci les plus importantes sont:

–           l’arrêt de certains financements destinés aux états et de subventions privées à l’intention de quelques leaders politiques et autres amis et soutiens du « Guide » ;

–           le retour massif des émigrés dans leur pays d’origine, avec comme résultat la fin des transferts financiers qu’ils effectuaient ;

–           le déclin du commerce transfrontalier (formel et informel) et les difficultés politiques, économiques et sociales;

–           le retour aussi  de nombreux éléments des forces de sécurité du Colonel Kadhafi dans les pays d’origine. Leur insertion sociale ou dans les forces  de sécurité de leur pays est difficile à envisager pour eux et surtout pour les gouvernements locaux ;

–           le retour enfin de nombreux chefs rebelles subsahariens logés de longue date en Libye avec plus ou moins de succès dans leur pays d’origine – Mali, Niger, Soudan et Tchad ;

–           le pillage des stocks d’armements libyens a engendré une prolifération d’armes et d’équipements dans la région du Sahel Sahara et sans doute au-delà. A cet égard, il a été question  de la présence de Manpads ou système portatif de défense aérienne.

Le statut des originaires du Sahel Sahara, anciens des forces de sécurité de Kadhafi de retour dans leur pays d’origine pose d’énormes difficultés politiques et financières pour l’ensemble de la région. A terme, ils peuvent même constituer une menace pour la nouvelle Libye. A ce niveau le Centre des Stratégies pour la Sécurité du Sahel Sahara propose la tenue d’une réunion régionale ou internationale pour mobiliser les financements nécessaires à leur réinsertion dans une nouvelle vie. Leur sort, en effet, dépasse largement les ressources et les intérêts stratégiques des seuls pays d’origine.

Futurs développements:

Peu de gouvernements peuvent rester indifférents aux soulèvements de leurs peuples demandant plus de dignité, de liberté et de développement. Les jeunes arabes en rébellion  pensent ne pas mériter moins que ceux de la Corée du Sud, de Singapour ou de la Malaisie, pays qui avaient le même Produit Intérieur Brut (PIB) qu’eux en 1960. De surcroit ces pays devenus riches sont également des pays de liberté.

Le succès de la transition tunisienne suscite beaucoup d’espoirs et mérite soutien et encouragement des pays de la région et de la communauté internationale. La confirmation de la réussite des élections tunisiennes par une fin de transition réussie est attendue avec impatience. Cette transition qui doit aboutir, courant 2012, au retour à une vie constitutionnelle normale est attendue avec espoir et anxiété par les tunisiens eux mêmes, par les états voisins et ceux du Sahel Sahara. La communauté internationale et les pays du Maghreb devront soutenir le processus tunisien afin de consolider une expérience exceptionnelle.

Toutes les parties libyennes concernées doivent  se retrouver pour l’organisation de leur état, de leurs institutions et de leur stabilité. Sans paix en Libye, les pays de l’Afrique subsaharienne seront exposés à de grands risques d’insécurité et de déstabilisation.

L’Afrique subsaharienne et en particulier le Sahel Sahara demeure exposée à de multiples et graves menaces:

–           La criminalisation continue des économies : trafic de drogues, de cigarettes, émigration irrégulière, piraterie dans le Golfe du Benin et la corruption endémique;

–           La présence d’AQMI, maintenant bien  enracinée dans le Sahel constitue  un défi aux gouvernements et un grand facteur d’instabilité. Sur ce plan, L’apparition de la Jemaat atawhid we el jihad ne peut qu’inquiéter ;

–           L’émergence de Boko Haram au Nigéria et sa violence armée annoncent des menaces sérieuses pour le moment limitées à ce pays mais dont l’enracinement et l’extension aux pays voisins ne peuvent  être ignorés.

En forme de conclusion

L’une des premières leçons du printemps Arabe est que les dirigeants doivent éviter la rigidité dans la gestion de leurs pays. A l’heure de la globalisation et des communications de masses concertation et dialogue deviennent inévitables. Peut-on demander aux peuples d’être éternellement soumis et silencieux? La responsabilité première de la paix dans un pays incombe d’abord à ses dirigeants.

Dans ce contexte, les réformes politiques et les élections parlementaires au Maroc démontrent l’importance pour tous – dirigeants et élites-, de rester à l’écoute de leurs peuples et d’accompagner leurs aspirations.

Avant de terminer permettez – moi de féliciter et de remercier Le Président du Forum de Rabat et ce au nom du Président du Centre des Stratégies pour la Sécurité du Sahel Sahara (Centre 4S) Monsieur Ahmedou Ould Abdallah et en mon personnel pour cette initiative. Elle arrive à point nommé pour aider à débattre d’une menace sérieuse qui concerne aussi bien l’Afrique subsaharienne que le Maghreb et les partenaires du Continent.

Longue vie et plein succès au forum de Rabat.

www.centre4s.org.

 

 

Leave a comment

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *