« La crise sahélienne quadrature du cercle ? » Débat du 30 Mars 2021 Avec le Général Castres et Ahmedou Ould-Abdallah

L´Afrique sahélienne est une région qui évolue depuis plusieurs années sous les projecteurs à cause de la crise sécuritaire, toutefois celle-ci est liée à d’autres facteurs : démographiques, alimentaires, environnementaux, sanitaires qu’il est bon de rappeler.

 

 

 

 

 

 

  La crise démographique : L’Afrique sahélienne est le théâtre d’une hausse spectaculaire de son taux d’accroissement naturel annuel (2,7 à 3% pour le Burkina Faso, Mali, Mauritanie et le Tchad, 3,8% pour le Niger en 2019). C’est le résultat d’une baisse considérable du taux de mortalité infantile et juvénile (1 décès sur 20 et 1 décès sur 6 naissances vivantes en moyenne, soit 2 à 3 fois moins qu’il y a 30 ans), accompagnée d’un indice de fécondité élevé (4.7, 5.4, 5.9, 6.1, 7.2 enfants par femme, respectivement pour la Mauritanie, le Burkina Faso, le Tchad, le Mali et le Niger). Malgré une espérance de vie moyenne faible (53,1 à 63,1 de moyenne d’âge dans les pays du Sahel pour les deux sexes), ces facteurs, permettent de parler d’une « bombe démographique ». En effet, les six pays du Sahel suivent une trajectoire qui les mènera à une augmentation de leur population de 89 millions d´individus en 2015 à 240 millions en 2050 puis 540 millions vers la fin du siècle.

 

  La crise alimentaire : La région est initialement désignée en tant que zone géopolitique lors de la crise alimentaire des années 1970 qui était due à de grandes sécheresses. Ceci lui permet de devenir rapidement le point focal de l’attention médiatique et des interventions humanitaires occidentales. Les sècheresses de 1968-1974, 1983-1984 et la crise alimentaire nigérienne de 2005, renforcent l´idée que la région est unie par une grande pauvreté et par la faim. Entre 2008 et 2019, se sont plus de 13,1 millions de personnes qui souffrent de sous-alimentation dans la région.

 

  La crise environnementale : Le Sahel est une des régions de la planète qui souffre le plus du changement climatique. Les pays de la région sahélienne sont, selon l’indice ND-GAIN (Notre Dame Global Adaptation Initiative), classés dans les vingt pour cent des pays les plus vulnérables. L’ augmentation rapide de la température moyenne, la fréquence des tempêtes, accompagnée par la baisse du niveau moyen des précipitations (une réduction allant de 10 à 15% des précipitations annuelles par rapport aux années 50, en parallèle d´une augmentation de 40% des pluies intenses) mènent à des périodes de sècheresses suivies par des inondations. Tous ces changements sont destructeurs pour les habitations et les infrastructures locales. Tout cela a pour conséquences la diminution continue des rendements agricoles et la création de mouvements de population. La Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques prévoit d’ici 2100 une augmentation de quatre degrés Celsius de la température dans ces pays. Elle prévoit de plus une augmentation des événements climatiques violents et une réduction des ressources en eau et par conséquent une baisse de 13 à 49.5% des rendements agricoles de ces pays.

 

  La crise sanitaire : L’épidémie de COVID-19 qui a succédé à l’épidémie d’Ebola (EVD) n’a qu’un impact réduit dans la région. En revanche, les mesures qui ont été prises afin de lutter contre l’épidémie accentuent les vulnérabilités économiques, alimentaires et sécuritaires. Les pays du G5 Sahel ont formulé une demande d´effacement de la dette extérieure le 27 avril 2020 afin de lutter contre la pandémie. Ils ont reçu 194 millions d´euros de la part de l´Union Européenne et une aide d´urgence par le FMI.

 

  La crise sécuritaire : sans attendre les attentats du 11 septembre 2001, les rebelles islamistes algériens s’installent dès la fin des années 90 dans la région du Sahel après leur incapacité à maintenir la lutte en terre algérienne. C’est depuis le Mali que se forme Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), auparavant connu sous le nom du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC). A partir de 2011, le Mali est témoin de l’arrivée de milliers de combattants Touaregs, mercenaires dans l’armée de Kadhafi se retrouvant sans emploi. Ils forment en partie le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA). L’année 2012 marque le début de la guerre au Mali, qui se voit attaqué simultanément par le MNLAAQMI et Ansar Dine. Cette même année le mécontentement des militaires provoque un premier coup d’Etat et le Mali perd le contrôle du nord du pays gagné par l’alliance des différents groupes armés. La menace de prise de Bamako par ces groupes conduit, à la demande du gouvernement malien, à l’intervention de la France avec l’opération Serval (janvier 2013). L’opération de l’ONU, circonscrite au Mali, la MINUSMA est créée en avril 2013. La formation du G5 Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad) intervient en février 2014, alors que Serval se transforme en août 2014 en « opération Barkhane » étendue à l’ensemble des pays du G5 Sahel. Plus récemment, le Mali a subi un deuxième coup d’état en août 2020, mettant fin à la présidence d’Ibrahim Boubacar Keïta.