Sahel: de nombreuses questions.

 

 

Avec ces développements, se pose cependant une série d’interrogations.

L’offensive des groupes présents dans le Nord du Mali.

En 1976 en Mauritanie, 1983 au Tchad et 2002 en Cote d’Ivoire, la France était intervenue pour éviter le changement des régimes en place par une force extrémiste. En 2000 le Royaume Uni agissait dans le même esprit au Sierra Leone.

Dès lors pourquoi la coalition des différents groupes occupant le Nord du Mali depuis avril 2012, Ansar Eddine, AQMI, MNLA,MUJAO et Boko Haram – a-t-elle passé brutalement à l’action, rompant le statu quo qui prévalait depuis plusieurs mois ? Ignorance de l’histoire de la région ? Erreur stratégique, mauvaise appréciation de l’attentisme de la communauté internationale faite par ces groupes et leurs parrains? Résultat d’une manipulation qui aurait poussé à la faute ? Existe-t-il un lien entre l’offensive de la coalition vers le sud et, bien au nord, l’assaut massif des radicaux contre les employés du complexe gazier d’In Amenas en Algérie, le 16 janvier? Y a- t- il une connexion entre ces faits et l’annonce, en Octobre 2012, d’un divorce au sein d’AQMI ? Où sont passés les narco trafiquants et surtout où sont stockées leurs marchandises?

L’intervention armée internationale.

Plus d’un mois après le début de la réaction internationale, qui s’est jusqu’ici avérée aisée, des questions se bousculent.

Où sont passés les radicaux les plus aguerris et surtout où se trouvent leurs nombreuses recrues et alliés tel le Boko Haram? L’action française est elle une simple opération de police ou plutôt une confrontation de niveau international et donc durable? Quels en sont les objectifs exacts : stabilisation et reconstruction? L’intervention, courageuse et réussie, combien de temps va-t-elle durer et existe-t-il un risque d’enlisement? La France continuera-t-elle à être la seule nation, disposant de moyens appropriés, présente et active sur le terrain? Avec cette place centrale de la France dans la direction des opérations, quel rôle ira aux armées maliennes et africaines? Ces armées disposeront-elles des moyens et capacités nécessaires pour mener à bien leurs missions: sécurisation des villes libérées et traque des terroristes par exemple? Quand l’armée malienne sera-t-elle prête à assumer par elle-même ses missions régaliennes en particulier dans le nord? Une mission classique de maintien de la paix des Nations Unies viendra- t- elle se substituer à l’arrangement actuel ?

L’avenir de la menace terroriste et de la criminalité transnationale organisée

Avec la fuite des groupes armés des régions occupées pendant plusieurs mois et leur éparpillement dans l’extrême-nord malien et ailleurs dans le Sahel, quelle forme la menace terroriste prendra-t-elle? Quels risques cette dispersion des groupes terroristes représentera-t-elle pour les pays limitrophes? Que préfigure l’attaque contre le site gazier d’In Amenas, en Algérie, et la prise d’otages meurtrière qui s’en est suivie, pour la sécurité en particulier des investissements miniers dans la région? Faut-il s’attendre à de nouveaux couts supplémentaires de sécurité des exploitations minières dans le Sahel?

Les groupes armés actifs dans le Nord Mali et plus largement dans le Sahel Sahara ont, au fil des ans, significativement tiré profit des divers trafics qui y ont cours: drogue, armes, carburant, cigarettes, êtres humains, voitures, etc. Ces trafics seront-ils perturbés par l’intervention militaire internationale ou vont-ils prospérer à l’abri d’une nouvelle protection? Comment tenter d’y mettre un terme ou tout au moins les réduire significativement et durablement ?

La question Touareg au Mali

La ‘’question Touarègue’’ et les manifestations violentes d’irrédentisme qui l’accompagnent de manière récurrente depuis les années 1962/64, a facilité l’enracinement des groupes radicaux armés et des réseaux criminels dans le Sahel. Dans ce contexte, les vieilles rancunes, les stéréotypes et les dénis, qui en sont les corollaires, continuent d’exacerber les tensions et d’handicaper ainsi la recherche d’un dépassement définitif de cette situation.

S’agissant de la question Touarègue, le fossé de malentendus reste énorme entre maliens eux-mêmes et entre eux et la communauté internationale, y compris avec ceux qui ont aidé à la libération du pays. Pour la grande partie de l’élite nationale de Bamako, il va sans dire qu’il faut au plus vite organiser un dialogue national. Toutefois, ce dialogue ne peut porter que sur la préparation des futures élections démocratiques. Non sur la question touarègue. Mais que faire de cette question  diront, non seulement certains Touarègues, mais un grand nombre de membres de cette communauté internationale sans laquelle le Mali serait resté encore occupé et divisé?

La classe politique malienne à Bamako, y compris naturellement des touarègues, est-elle disposée à engager un débat sérieux autour de ce sujet? Au-delà des différentes appellations, Ansar Dine, MNLA, les Touarègues peuvent- ils s’unir durablement autour d’un consensus qui permet de leur accorder un statut dans le cadre du Mali démocratique? En dépit des difficultés chroniques du MNLA à formuler des revendications et à les communiquer de manière soutenue et crédible, l’irrédentisme de la communauté touarègue mérite un règlement définitif. En quels termes cette problématique sera t elle abordée à Bamako dans le semaines et mois à venir? La démocratisation du Mali ne constitue-t-elle pas la meilleure garantie de la stabilité pour tous ?

La situation humanitaire et des droits humains

Depuis son éclatement en janvier 2012, la crise malienne a engendré une situation humanitaire grave à laquelle l’attention nécessaire et les réponses adéquates restent encore à mettre en œuvre. Elle s’est récemment accentuée avec l’intervention armée. L’assistance à apporter aux 350 à 450.000 victimes, déplacées et refugiées dans les pays voisins du Mali (Algérie, Burkina Faso, Mauritanie, Niger) demeure d’actualité. Par ailleurs, les actes de représailles ou de vengeance contre certaines populations dans les villes libérées et les mesures à prendre afin que cela ne dégénère, méritent une attention particulière.

Un point reste à faire. Un grand nombre de maux qui minent le Mali et qui ont été à l’origine de sa situation actuelle, se posent également, dans des proportions variables, dans d’autres pays du Sahel Sahara. Dans l’avenir, ils sont de nature à engendrer des conséquences similaires s’ils ne sont pas résolus.

Calibri; mso-hansi-theme-font:minor-latin;mso-bidi-font-family:Calibri;mso-bidi-theme-font: minor-latin;mso-ansi-language:FR”>La coopération régionale et internationale

Face à une menace transfrontalière, peut-il y avoir un succès sans coopération régionale voire internationale dans la riposte? L’efficacité des arrangements militaro diplomatiques genre CEMOC, basé à Tamanrasset, fondés sur l’exclusion de partenaires extérieurs à la zone, semble avoir fait long feu au vu des derniers développements ? Leurs objectifs et méthodes de travail méritent d’être revus. N’ayant ni éliminé, ni contenu les menaces des terroristes et autres narcotrafiquants, ces arrangements semblent les avoir indirectement aidés à élargir leur capacité d’action. Ont-ils alors contribué à l’internationalisation de la crise du Sahel? La question est posée.

Ces questions et bien d’autres seront amplement discutées du 15 au 16 février 2013 à Niamey au cours d’un séminaire organisé sur ces thèmes et en appui du gouvernement du Niger associé à l’International Peace Institute et le Centre4S.

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Basé à Nouakchott, le Centre 4S a une vocation régionale puisqu’il couvre une bande allant de la Mauritanie en passant par la Guinée, au sud, et jusqu’au Tchad et au Soudan, à l’est, après avoir longé l’Atlantique et traversé la savane. Ses centres d’études sont la défense et la sécurité de la bande sahélo saharienne, la violence armée et le terrorisme, les rivalités pour le pétrole, le gaz et l’uranium, les migrations irrégulières dans et hors de l’Afrique, la contrebande de cigarettes, la drogue et les trafics humains, etc., l’environnement et les énergies renouvelables. Sa vocation est d’aider la région et ses partenaires internationaux – publics et privés, aussi bien que ceux de la société civile, les universités, les Forums et autres groupes – à davantage collaborer pour assurer la sécurité et la prospérité de la bande sahélo saharienne

 

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