Sahel : Ukraine et Wagner ont éclipsé les préoccupations sécuritaires.

Au delà des des problèmes internes largement à la base de leurs insécurité interne  – politiques, économiques et sociaux y compris, encore et toujours, l’esclavage, les pays du G 5 Sahel font face à d’énormes défis internes présentés dans le texte ci joint. Et à bien d’autres. 

Des défis majeurs fragilisent le fondement des relations internationales post guerre froide. La crise, ou plutôt la guerre en Ukraine, nous interpelle pour penser à nos compatriotes et à l’avenir de nos pays. Pas pour des spéculations idéologiques post guerre froide mais pour mettre en place des politiques de protection et de survie des populations voire des pays eux mêmes.

Au lieu de rester des spectateurs passifs face aux télévisions, nous ferions mieux de former des équipes techniques pour suivre les multiples conséquences en particulier commerciales d’une guerre internationale qui se prolonge. 

Ahmedou Ould Abdallah

President Centre4s.org Centre4s.org

Ajoutée aux brouilles diplomatiques entre le Mali et les organisations sous régionales – UEMOA et CEDEAO et entre ce même pays et la France, appuyée par l’Union Européennes, la guerre en Ukraine a éclipsé les préoccupations sécuritaires du Sahel. Du coup, ainsi que l’a reconnu le président nigérien, Mohamed Bazoum, dans un entretien avec des journalistes français  le 02 avril, « le G5 a du plomb dans l’aile ».

Dans une dynamique d’apaisement, le Secrétariat du G5 Sahel, renforcé et relancé, pourrait ressouder les relations entre les états membres. Un tel élan nouveau aiderait le G5 Sahel à entreprendre une nouvelle coopération avec les partenaires internationaux de la région.

L’option qu’a prise le Mali, au dernier trimestre de l’année dernière, de faire appel aux para militaires de la firme russe Wagner est source de multiples tensions entre ce pays, ses voisins immédiats, l’UEMOA, la CEDEAO et la communauté internationale. Bamako a demandé à Barkhane de quitter le pays le plus tôt possible et Tabuka, une unité de forces spéciales européennes, a dû évacuer ses troupes pour se replier au Niger. Des accusations de massacres de civils, par les Forces armées maliennes (FAMA) et leurs alliés russes, ont poussé l’Union européenne à cesser les formations militaires qu’elle prodiguait aux soldats maliens. Entre le Mali et son voisin nigérien, les incidents verbaux se sont multipliés, sur fond d’accusations d’ingérence formulées par la partie malienne. À cela, est venu s’ajouter le coup d’État intervenu au Burkina Faso, fin janvier 2022.

Ce lourd et épais brouillard diplomatique masque les préoccupations sécuritaires du Sahel. Les attaques contre les trois pays les plus exposés au terrorisme, Burkina Faso, Mali et Niger, n’ont jamais cessé et ont même connu une recrudescence depuis le début de l’année.

Recrudescence des attaques.

Dimanche 20 mars 2022, dix-huit soldats burkinabè sont morts dans deux embuscades, dans le sud et l’est du pays. Le 14 mars, sept civils tombaient dans le nord, à Arbinda. Au Niger, le 12 avril, le poste de police de Petelkole, département de Bankilaré, dans la région de Tillabéry a été attaquée, avec un bilan de sept policiers tués. Le même jour, une position de la Garde nationale du Niger, située à Djado, région d’Agadez a subi un assaut durant lequel quatre éléments sont tombés.

Les terroristes ont décidé de frapper aussi le Burkina Faso par l’une de ses principales ressources d’exportation : l’or, dont les recettes sont passées de 974 milliards de FCFA, en 2016, à 1 420 milliards de FCFA, en 2019. Dans la nuit du 31 mars au 1er avril 2022, des dizaines d’hommes armés, à bord de motocyclettes, ont attaqué le site d’orpaillage de Kougdiguin, près de Barga, province de Namentenga, nord du pays. Vingt-deux morts ont été enregistrés. Auparavant, le 12 mars, onze personnes avaient péri dans l’attaque d’une mine d’or artisanale à Baliata, près de Dori, nord du Burkina Faso. Le 09 mars, même scenario macabre dans une mine d’or clandestine, à Tondobi, commune de Seytenga, près de la frontière avec le Niger, avec un bilan d’une dizaine de morts. La conséquence : le producteur russe Nordgold a annoncé, le 09 avril, la fermeture de la Société des mines de Taparko (SOMITA), pour des « raisons de sécurité ». Son directeur précise que toute la zone autour des sites d’exploitation est sous menace terroriste, malgré des investissements coûteux sur le plan sécuritaire. La Chambre des mines du Burkina s’en est émue et a demandé aux autorités des mesures spéciales de protection afin de se prémunir d’autres fermetures.

Vu ces développements, entre autres, au Burkina Faso, les autorités ont récemment décidé d’instaurer un dialogue entre des jeunes combattants et des référents moraux de certaines zones à fort déficit sécuritaire. Des chefs religieux et coutumiers vont encourager les jeunes ayant rejoint les groupes terroristes à déposer les armes. Le gouvernement a promis de les accompagner dans leur réinsertion sociale, par des activités en particulier professionnelles. Au cours d’une conférence de presse, le 19 avril, le ministre d’État en charge de la Cohésion sociale et de la Réconciliation nationale a révélé que « ces discussions » étaient déjà effectives, dans le nord et ailleurs. Autant de préoccupations concrètes et urgentes dont, pour rebondir, le Secrétariat exécutif du G5 pourrait se saisir. 

Deux atouts majeurs du G5 à explorer.

Basée à Nouakchott, Mauritanie, cette institution a deux atouts majeurs : son nouveau secrétaire exécutif et bien sur son pays d’accueil. Le Secrétaire Exécutif du G5 Sahel est un diplomate de carrière expérimenté, Yemdaogo Éric Tiaré, ancien ambassadeur du Burkina Faso en France et Représentant permanent près des Nations Unies, New York. Il a de grandes qualités en matière de  médiation et de facilitation.

De son côté la Mauritanie est un capital pour le G5 Sahel. Ancien chef d’état-major et ancien ministre de la Défense nationale, le Président Mohamed Ould Ghazouani connaissait, déjà, les défis sécuritaires de la sous-région. Un chef d’État bien placé pour rassembler ses pairs. Il a montré son sang-froid, face aux difficiles relations entre son pays et le Mali. Le 21 janvier 2022, les Forces armées maliennes (FAMA) sont soupçonnées d’avoir tué sept commerçants mauritaniens, à la frontière entre les deux pays. Les autorités mauritaniennes, après avoir diligenté une enquête, réagissent vivement, dans l’espoir de mettre fin à de tels actes. Mais, le 5 mars, les FAMA, accompagnées d’éléments de Wagner, récidivaient, par des tirs qui blessaient deux Mauritaniens au Mali même. En outre, les autorités et l’opinion publique mauritaniennes sont très préoccupées par le sort de quinze compatriotes, supposés enlevés par FAMA. En dépit de ces graves incidents, la Mauritanie, non membre de la CEDEAO, a décidé d’ouvrir son port au Mali, sous embargo, à la fois de celle-ci et de l’UEMOA. Sur la Transition et sur la présence de Wagner au Mali, elle n’a guère fait de déclarations intempestives.

En tandem tandem avec le Secrétariat Exécutif, Nouakchott est bien placé pour relancer la machine du G5 Sahel, avec des chances réelles de succès. En effet, le G5 qui échoue, c’est aussi l’étoile diplomatique de la Mauritanie qui pâlit. 

La feuille de route commune ou Roadmap en est toute tracée. Il s’agit de travailler à rétablir et à maintenir de bonnes relations entre les cinq pays membres. En particulier, il est prudent de réconcilier d’urgence les deux voisins, Mali et Niger, dont les incompréhensions ont atteint leurs cimes, ces derniers mois. Le Mali est, également, à dissuader de revendiquer la présidence tournante du G5 Sahel. Étant sous embargo, son action diplomatique pour l’organisation est gelée. Ensuite, il est recommandé de prodiguer des conseils de sagesse à la Junte du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR) au pouvoir au Burkina Faso. Des conseils pour lui éviter de se braquer, à son tour, et après le Mali, contre à la fois contre l’UEMOA et la CEDEAO, notamment sur la durée de la Transition qui ne devrait pas être excessivement longue : trois ans !

Le G5 Sahel aura, enfin, à travailler, dur, afin de s’assurer que la quasi-mobilisation internationale des fonds en faveur de l’Ukraine n’occulte totalement l’aggravation des problèmes sécuritaires de la sous-région. Une offensive diplomatique et médiatique serait la bienvenue, pour remobiliser les partenaires de l’organisation. La recherche de ressources, pour des actions décisives en matière de lutte antiterroriste, serait, à nouveau, possible. Une remise en selle du G5 Sahel équivaudrait, aussi, à une montée en puissance diplomatique de la Mauritanie.

Le Secrétariat Exécutif, appuyé par la Mauritanie, pourrait entamer ce chemin de renaissance par le rappel aux États et autres partenaires internationaux, leurs engagements vis-à-vis du G5 Sahel. Cette piqûre de rappel sonnerait, en soi, le rassemblement…

André Marie POUYA

centre4s.org,