Sahel: un voyage au Japon, décembre 2023

De retour d’un voyage d’une semaine au Japon, j’ai le plaisir de partager avec vous quelques-unes de mes premières observations. Observations aussi bien sur l’organisation du voyage que sur les discussions de fond avec un certain nombre de responsables officiels et d’organisations gouvernementales et privées.

 

 

Les commentaires ci-dessous ne constituent pas un rapport exhaustif. Ce sont des observations et commentaires relatifs à quelques-unes de mes rencontres avec différentes personnalités et groupes.

  1. Comme je m’y attendais, le voyage a été bien organisé et très utile. De plus, l’ensemble du programme était bien ciblé : sécurité, conflits, coopération internationale au développement, etc.

De Nouakchott à Tokyo, et surtout pendant mon séjour -Tokyo, Hiroshima, Kyoto et Osaka- la planification a été parfaite et très utile pour comprendre un certain nombre de questions importantes pour moi et ma Région du Sahel. Sur les questions de fond, les échanges avec mes interlocuteurs ont été francs et ouverts.

. J’ai eu un déjeuner de travail des plus intéressants avec le Directeur général de la Division Afrique de Mofa, M. Horiuchi Toshihiko et deux de ses collègues de cette Division. Il s’agissait d’échanges ouverts sur des questions de fond liées principalement à la situation au Sahel et à la coopération du Japon avec l’Afrique en général. Au-delà des questions de fond liées à l’insécurité au Sahel (gouvernance, trafics divers, migrations, cigarettes, drogues, etc.), j’ai eu de bons échanges de vues sur le contexte de Ticad et son futur. J’ai partagé avec la Division Afrique mon point de vue en la matière ainsi que mon opinion quant a la pertinence continue de la Ticad en raison de ses spécificités : rôles de la gouvernance, du service public, du secteur privé et des organisations de la société civile ainsi que ses méthodes de travail.

En effet, je reste convaincu que, même si nous sommes dans une nouvelle ère diplomatique et politique, la Ticad demeure un outil de coopération fort pertinent et utile pour ses partenaires. Bien entendu, quelques adaptations devraient être nécessaires pour tenir compte de l’évolution de l’environnement politique international.

  1. Dans ce contexte, j’ai eu des échanges très positifs avec un certain nombre d’universitaires et d’experts en la matière. A ce niveau j’ai eu une discussion fort intéressante à Osaka, avec deux universitaires expérimentés, Kenchi Shirato et Matsuo Watanabe. Ils connaissent bien le contexte du Ticad et les enjeux qui y sont liés.

À Tokyo, j’ai eu des rencontres avec des officiels d’Institutions que j’avais connues auparavant lorsque j’étais secrétaire exécutif de la Coalition Mondiale pour l’Afrique (GCA) à Washington DC. Il s’agit notamment du Directeur exécutif de la Fondation Sasakawa : M. Kanehara Nobukatsu et de son directeur des affaires africaines, Horiuchi Toshihiko.

J’ai également eu une discussion intéressante sur la région Afrique, et au-delà, avec M. Sasae Kenichiro, Président de l’Institut japonais des affaires internationales. Nous nous sommes déjà rencontrés lorsqu’il était Special Assistant de Mme Ogata chef du HCR (Haut-Commissariat aux Refugiés) et  j’étais au Burundi de 1994 à 1996 en tant que Représentant Spécial du Secrétaire général de l’ONU.

J’ai été également très intéressé et heureux de rencontrer M. HIRAI Shinji, commissaire adjoint aux affaires internationales – ANRE – qui revenait tout juste de la conférence COP 28 des Émirats arabes unis. L’importance des COP ne saurait être sous-estimée, surtout dans un État côtier comme la Mauritanie. Un pays souvent touché par la sécheresse et des problèmes liés à une urbanisation croissante.

  1. Sur les questions internationales, le Sahel et l’Afrique en général, j’ai eu une rencontre et des échanges de vues avec la JICA, division Afrique. La sécurité et le terrorisme au Sahel ainsi que leurs impacts politiques et économiques sur l’ensemble de la région ont été discutés. Ici, mon point était, et demeure qu’il ne faudrait pas sous-estimer l’insécurité durable. En effet, comme en Somalie ou au Yémen et en Afghanistan, plus l’insécurité dure dans un pays, plus elle devient « une affaire rentable » pour divers groupes internes et externes et donc plus difficile à éradiquer.

Dans ce contexte, l’impact de la guerre civile en cours au Soudan ne doit pas être ignoré par les États du Sahel ou leurs partenaires internationaux. L’exploitation illégale de l’or dans la région est également en partie liée au financement d’activités terroristes. Au-delà des accusations contre les « troupes Wagner » russes, l’exploitation de l’or mérite une surveillance et un suivi sérieux pour contribuer à la sécurité régionale et même internationale. Cela vaut également pour la sécurité du Sahel et les questions qui y sont liées : corruption, migrations massives, etc.

Compte tenu de cette situation fragile, les partenaires traditionnels du Sahel, y compris le Japon, les USA et l’UE, ne devraient pas ignorer ou minimiser le rôle et les impacts politiques des réseaux sociaux dans ces pays. Leur culture orale traditionnelle et l’important chômage des jeunes contribuent à la propagation rapide des rumeurs, plus que dans de nombreuses autres régions du monde. Par conséquent, pour éviter une nouvelle détérioration des relations entre le Sahel et ses partenaires internationaux traditionnels, ces nouveaux développements sociopolitiques doivent être pris en compte lorsqu’on aborde la région du Sahel.

  1. J’ai eu des échanges de vue fort intéressants avec des experts de questions africaines d’Instituts spécialisés. Il s’agit notamment d’IDE – JETRO, doté d’une expertise en matière de développement mais plus présent en Afrique de l’Est et australe qu’ailleurs. Notre discussion de fond a porté sur le nombre croissant de pays donateurs, la question des conditionnalités en rapport avec l’aide au développement, les BRICS, etc. Une rencontre avec le professeur Sanae Suzuki a également été très intéressante pour moi. Les échanges ont porté sur un certain nombre de questions dont : les conflits et les approches associées à leur gestion au Sahel – en Somalie, dans l’espace CEDEAO – etc. Nous avons aussi abordé des problématiques bien connues dans la gestion des conflits : ‘’les approches Bottom Up ou Top Down. ” Les violentes guerres civiles dans des régions –  Sahel, Libye et Soudan – doivent être contenues, ne pas se propager car leurs effets contagieux sur l’ensemble de la Région ne devraient être sous-estimés.

Ma dernière réunion à Kyoto a eu lieu avec le directeur du Centre africain proche de l’Association des diplômés africains.

  1. Finalement, j’ai eu deux visites de nature différente et toutes les deux fort intéressantes.

L’une concerne le ‘’Musée National du Territoire et de la Souveraineté’’. Au-delà du magnifique bâtiment de son Siège, les commentaires du guide et les cartes présentées ont été très inspirantes. Sur ce sujet, je ne connaissais que le cas de Sakhaline. J’espère qu’une approche pacifique, combinée à une mémoire forte, dans ce bâtiment impressionnant, au sein d’un pays démocratique et prospère (le Japon), apportera une solution diplomatique.

L’autre visite concernait l’Exposition Universelle de 2025 à Osaka. Les bureaux et le personnel étaient bien organisés et situés au 44ème étage avec vue sur les travaux en cours d’exécution. Pour des raisons de sécurité dans les aéroports, je n’ai apporté avec moi à Nouakchott qu’un badge et un stylo, pas les autres cadeaux – dont des boissons en bouteilles – offerts par les organisateurs.

  1. À Kyoto, mes visites programmées ont été très utiles car elles incluaient une dimension culturelle. Par conséquent, j’ai été heureux d’avoir visité un Musée et un Sanctuaire. À Tokyo, mes visites incluaient le Quartier General des pompiers et l’éducation civique en cas d’accident majeur, tel un tremblement de terre.
  2. À l’arrivée, au départ et tout au long du voyage, mon guide a été des plus efficaces. Elle était bien organisée et a insisté pour rester à l’aéroport jusqu’au décollage de mon avion retour. A mon arrivée, elle était avec les 2 diplomates mauritaniens me saluant au nom de l’Ambassadeur Sidya Ould Elhadj.

En conclusion, un grand merci à l’Ambassadeur UCHIDA Tatsukuni, à M. Yamada Wahito, à M. Kazuki Ueta, et à leur personnel local, pour cette invitation et son excellente organisation.

En NB, à titre personnel, j’étais très heureux d’avoir pu visiter un centre d’entraînement de Sumo, un sport pour moi, impressionnant.

Ahmedou Ould Abdallah

President centre4s

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