Cérémonie de lancement official de la Stratégie de Développement et de Sécurité Sahel Niger (SDS- Sahel- Niger)

 

EXCELLENCE MONSIEUR LE PREMIER MINISTRE, CHEF DU GOUVERNEMENT

MESDAMES ET MESSIEURS LES PRESIDENTS DES INSTITUTIONS DE LA REPUBLIQUE

HONORABLES ELUS DU PEUPLE

MESDAMES ET MESSIEURS LES MINISTRES,

MESDAMES ET MESSIEURS LES AMBASSADEURS ET LES REPRESENTANTS DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES

MESDAMES, MESSIEURS DISTINGUES INVITES.

Je me réjouis très sincèrement de me trouver aujourd’hui à Niamey pour le lancement officiel de la Stratégie de Développement et de Sécurité dans les zones sahélo-sahariennes du NIGER (SDS SAHEL-NIGER)

Cette initiative est d’abord une affirmation du Niger – Gouvernement élites politiques et représentants de la société civile, de rester l’acteur majeur de son devenir et d’éviter ainsi la tentation d’être un simple point inscrit à l’ordre du jour des discussions internationales.

Cet effort national, inclusif et durable, demeure essentiel à la maîtrise des menaces et des risques qui assombrissent les horizons du Sahel et endeuillent déjà ses populations.

MENACES ET RISQUES

Les pays sahéliens sont structurellement fragiles. Cette fragilité ne doit pas être vécue comme une excuse pour ne pas agir ou pour soulever un alibi en vue d’apitoyer ou de blâmer d’autres pour l’état de notre situation. Bien au contraire, elle doit être sentie comme un défi à confronter et à vaincre. Dans cette région, nous devons assumer pleinement nos responsabilités dans la gestion de nos territoires nationaux tels qu’ils furent acquis, il y a cinquante ans, lors des indépendances nationales.

A ce niveau, je voudrais ajouter que de part le monde, il existe très peu de pays avec des frontières naturelles. Le Japon, un archipel,  est peut être une des rares exceptions. C’est aux dirigeants politiques qu’il appartient, au cours de l’histoire de leurs pays, de créer ou de consolider l’état nation. La bonne gestion, la tolérance et la justice, par la valeur de l’exemple, constituent les meilleurs ingrédients pour réussir la construction nationale. L’exclusion politique, ethnique ou sociale mine la cohésion nationale et favorise les repliements identitaires et, in fine, les guerres civiles.

Aujourd’hui, les menaces qui pèsent sur le Sahel-Sahara sont réelles, crédibles et surtout dangereuses. Au Mali voisin, cette menace est déjà concrète : le pays est occupé dans sa partie septentrionale et son système démocratique, vieux de deux décennies, est à terre. Les populations et l’économie vivent dans l’insécurité et chaque semaine qui passe voit les risques s’aggraver et s’enraciner davantage. Chaque jour perdu pour la paix rend plus couteux dans chaque domaine le retour à la normale.

Le sérieux de la situation malienne ne peut plus être sous-estimé. Il s’agit en effet de l’imbrication de plusieurs crises majeures dans la même crise. Il y a naturellement les radicaux islamistes avec leur agenda bien connu, leurs alliances multiples et leur super armement. Il y a aussi, tapi dans l’ombre, le crime organisé avec tous les trafics de cigarettes, d’armes, de véhicules, d’immigrés et bien sûr de drogues. La troisième composante, la corruption endémique, attise les autres en discréditant les élites étatiques aux yeux des populations.

La réponse du Sahel à la crise du Mali doit être commune dans son élaboration et collective dans sa mise en œuvre. Désormais aucun pays ne peut, à lui seul,  gérer avec succès le désastre malien. Une coopération régionale sans exclusive, de tous les Etats qui le peuvent et le veulent, reste indispensable. Cette coopération doit comporter des actions menées simultanément sur plusieurs fronts et recevoir l’appui d’une très large majorité de maliens. Le Président MAHAMADOU ISSOUFOU a parfaitement raison quand il déclarait lors de son investiture à la magistrature suprême : « une solution globale à la fois sécuritaire, administrative, économique et sociale »!

Le Niger est en réalité l’Etat le plus exposé car situé sur la ligne de front après le déclic provoqué par la crise libyenne. Votre pays est également celui qui continue à payer un prix assez élevé aux effets combinés des sécheresses cycliques et des conséquences de cette crise libyenne. Celle-ci a renvoyé chez eux des milliers de petits commerçants, artisans et travailleurs manuels qui, pour sauver leur vie, ont fuit en abandonnant tous leurs biens durement acquis. Qui viendra à leurs secours et qui compensera leurs pertes matérielles? Dans son propre intérêt, le nouveau régime libyen devrait penser à une indemnisation de ces victimes innocentes. Une Commission Mixte Libye / Pays concernés (Mali, Mauritanie, Niger, Tchad) mérite d’être constituée pour le suivi de cette importante question.

C’est dans ce contexte régional fortement bousculé, malgré un bon hivernage, que je voudrais faire quelques remarques sur les perspectives de paix et de sécurité dans le Sahel et sur la contribution des acteurs extérieurs.

VERS LA PAIX ET LA STABILITE

Pour contenir la crise malienne et limiter ses effets de propagation ou d’imitation, des mesures préventives, à travers des politiques d’ententes nationales constituent, pour les voisins, la meilleure approche. La consolidation de la cohésion nationale à travers la formation de gouvernements d’union nationale, ou d’autres mécanismes appropriés, demeure une recette incontournable. De plus, la concertation et les consultations entre les partis politiques et avec les sociétés civiles, y compris les hommes d’affaires, ne seront jamais de trop.

Cependant, il faut d’abord commencer par éteindre le feu malien dont les effets de contagion restent plus virulents que tous les moyens d’immunisation mis en œuvre actuellement. Il faut aider le Mali. A cet égard, nous devons nous mobiliser pour le Mali et, de fait aujourd’hui, nous sommes tous maliens.

Plus la crise s’y enracine, plus elle sera difficile à extirper et plus ses effets seront dévastateurs dans et au-delà du pays. Tout conflit qui dure s’auto entretient et se nourrissant de et part lui-même. Par ailleurs, les pompiers pyromanes sont légions en temps de crises.

Comme ils l’ont fait avec succès en 1991, les maliens peuvent, aujourd’hui, tenir à Bamako une Conférence Nationale pour gérer les plus vieux problèmes qui depuis longtemps divisent leur société et les questions les plus récentes qui paralysent leur capacité d’action et menacent leur futur en tant que état.

La CEDEAO, les pays voisins et les gouvernements amis doivent les encourager et les soutenir sur ce chemin difficile.

Dans cet esprit, la priorité des priorités demeure le renforcement des institutions publiques à Bamako et en particulier celles des Forces Armées et de Sécurité. Une armée réconciliée avec elle-même, liée à un gouvernement uni, constitue un minimum sans lequel il est impossible d’avancer vers la paix au Mali. Appuyer un tel gouvernement revient à donner à ce pays les moyens de faire face à la situation au Nord et à rendre plus efficace l’assistance extérieure. Bamako doit ainsi disposer d’un front intérieur solide capable d’assurer la sécurité au Sud et de préparer la future gestion du Nord.

Toujours dans le même esprit, et en agissant simultanément sur plusieurs fronts, les maliens doivent aussi penser à une nouvelle manière de gérer les problèmes identitaires du Nord. Un gouvernement solide à Bamako sera à même d’expliquer aux maliens le coût humain économique, financier et politique de ces crises à répétition qui émaillent leur histoire depuis 1960. Une nouvelle manière de les régler doit être avancée par les maliens et leurs amis présents à la conférence de réconciliation. Plusieurs modèles de réconciliation existent : l’Afrique du sud mais aussi le Chili, le Guatemala et le Maroc pour ne citer que ceux-ci.

La plupart des pays sahéliens ont des problèmes intérieurs identitaires ou communautaires. Leur gestion nous interpelle tous et, en réglant le problème du Mali, nous pouvons trouver le moyen d’éviter de futures tragédies nationales.

ACTEURS EXTERIEURS ET CONFLITS INTERNES

C’est dans ce genre de contextes ultra sensibles qu’interviennent les acteurs extérieurs. Ils ne s’invitent pas.

C’est la crise qui les fait venir. Par acteurs extérieurs, j’entends les gouvernements étrangers, les organisations intergouvernementales mais aussi les ONG et centres de réflexion.

Dans une guerre civile, la société se métamorphose presque instantanément. Les repères historiques et sociaux volent en éclats. La lutte pour la survie individuelle et du groupe ethnique prend souvent le dessus et pousse à l’horreur. Des ambitions démesurées naissent spontanément et à tous les niveaux. Les marginaux d’hier, extrémistes ou autres, deviennent les leaders qui enthousiasment et entrainent les foules. D’un autre côté, la peur et les risques de dépossession, poussent les hommes et les femmes les plus intègres à la compromission. Certes la guerre est un malheur mais le plus grand de tous.

Les acteurs extérieurs apportent avec eux la compassion et les soutiens moraux et matériels indispensables pour adoucir les souffrances et les blessures. Ils ont, sur ce plan, un rôle primordial à jouer comme en témoignent l’assistance aux déplacés internes ainsi qu’aux réfugiés et la protection des droits de l’homme. Ces acteurs peuvent aussi chercher à être les médiateurs dans le conflit. Ils le font souvent et à la demande des élites du pays victime de la crise. Il arrive fréquemment que chaque organisation dispose de relais locaux, représentatifs ou non, pour préparer la sortie de crise. Tous les concernés, nationaux et étrangers, s’y retrouvent.

C’est précisément à ce niveau que je voudrais insister auprès des maliens et des états concernés et intéressés par la crise du Sahel afin que la gestion de la crise malienne ne se transforme pas en cacophonie ou en foire d’empoignes entre médiateurs non officiels. Il y a aussi le risque que ces négociateurs privés, sans nécessairement le vouloir, déstabilisent par leurs méthodes de travail, les médiateurs officiels et  perpétuent ainsi la crise pour le grand malheur du pays que l’on veut aider.

Ces dérives autour de la gestion des conflits existent ailleurs et se profilent déjà au Sahel. Leur dérapage menacera le Mali mais aussi tout le Sahel. Il est possible de prévenir ces dérives en aidant, dès à présent Bamako. « Sans gouvernement la vie est brutale, désastreuse et brève » écrivait le philosophe Britannique Hobbs il y a près de trois siècles. Nous devons tenir compte de cette situation dans nos approches de la gestion de la crise malienne et soutenir un gouvernement.

A cet égard, le Niger a pris le devant grâce à des efforts politiques et économiques menés à tous les niveaux et dans plusieurs directions. Cette manière de prévenir la contagion malienne est essentielle et doit servir d’exemple aux états voisins. La Stratégie de Développement et de Sécurité, dont le lancement est prévu aujourd’hui, nous donne l’occasion d’en discuter plus amplement et de soutenir les efforts de Niamey dans l’intérêt de la stabilité du Sahel.

Cette stratégie, élaborée autour d’actions évaluées après une vaste concertation, constitue une heureuse initiative pour le développement et la prévention de conflits. Le document, excellent dans la forme et dans le fond, est le fruit d’un travail collectif avec des experts venus d’horizons divers.

Mais le plus difficile reste à venir : la mise en œuvre qui de mon point de vue nécessite un soutien politique sans faille du Chef de l’état, de vous-même Mr le Premier Ministre et de votre gouvernement. Naturellement,  l’accompagnement technique et financier des partenaires extérieurs de votre pays demeure vital à la mise en œuvre.

Il est également important que la SDS puisse bénéficier de l’adhésion des populations, des organisations de la société civile et du secteur privé national, afin, comme le dit si bien votre slogan : « qu’ensemble vous puissiez œuvrez   pour la paix, la sécurité et le développement ».

Vive la fraternité et l’amitié entre les peuples.

Je vous remercie de votre fraternelle et cordiale attention.

 

 

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