La crise malienne
Cette crise, après vingt ans d’exercice démocratique et une alternance pacifique au pouvoir, comporte tous les ingrédients pour s’aggraver, durer et contaminer les voisins.
Grave au Nord, elle est explosive à Bamako avec le risque de devenir une crise africaine classique avec une économie criminelle à travers les exportations irrégulières des produits nationaux (coton et or) et les trafics (armes et drogues).
L’armée nationale est divisée à tous les niveaux : officiers supérieurs, officiers, sous –officiers et entre corps d’armée. La classe politique est également divisée.
Enfin, comme naguère au Libéria, au Sierra Léone et en Côte d’Ivoire, des seigneurs de la guerre risquent d’entrer en action pour promouvoir les trafics illicites.
La Junte fait face aux difficultés de tout nouveau pouvoir : inexpérience, arrogance, querelles intestines, étroitesse de la base de soutien.
Les radicaux (Aqmi, Ansar Dine, Mujao, Boko Haram) qui occupent le Nord et les autres groupes MNLA en particulier et le FLNA jouent la compétition au plus extrémiste. Plus le pouvoir est fragile à Bamako et plus ces deux derniers groupes seront à l’étroit et leurs éléments modérés marginalisés par les plus durs.
Les islamistes vont renforcer globalement leur présence qui cependant comporte des risques de division. Pour le moment, le vide et l’incertitude politiques à Bamako les aident à renforcer leurs rangs, leur unité, leur expansion et l’exécution de leur agenda.
L’appel à l’envoi des troupes étrangères au Mali constitue une excellente publicité pour les jihadistes. Il facilite les recrutements, donne du prestige aux radicaux et attire les combattants étrangers. Si les troupes de la CEDEAO ne viennent pas il y’aura un discrédit pour cette organisation. Si elles viennent il y aura encore plus de difficultés pour tous.
Au Nord, les rebelles disposent déjà de trois aéroports – Gao, Tessalit et Tombouctou – qui peuvent accueillir de gros porteurs et recevoir tous les commerces y compris ceux de la drogue, des armes et aussi des militants étrangers.
La crise malienne est également une tragédie humanitaire avec 320 000 personnes concernées dont plus de 180 000 réfugiés dans les pays voisins. Le mouvement doit s’amplifier à cause de la précarité ambiante. Pour le moment, ces réfugiés ne posent pas de problèmes sécuritaires dans les pays d’accueil mais il ne faudrait pas exclure des infiltrations.
La crise est également sécuritaire et existentielle au Mali bien sûr mais aussi dans les états voisins. Les pays resteront ils tels qu’ils sont dans leurs frontières héritées de la colonisation? L’effet du Soudan s’ y exerce sûrement.
Impact sur la Sous région
Le Sahel Sahara est un ensemble géopolitique plutôt cohérent. Plus la crise dure et plus elle affectera toute la région. Les principaux effets sont :
– Détournement de l’attention et des efforts des gouvernements, loin des priorités politiques et économiques nationales;
– Diversion des ressources vers le sécuritaire au détriment de l’économie : achat d’armes, gonflement des effectifs des forces de sécurité…etc. ;
– Découragement et attentisme des investisseurs nationaux et surtout étrangers;
– Ralentissement ou cessation de l’aide internationale avec la priorité passant à l’humanitaire ;
– Radicalisation des groupes et mouvements religieux par effet de contagion ou d’imitation et pour conserver leur espace d’action. Des pays tel le Sénégal où les confréries sont puissantes, peuvent être atteints ;
– Emergence de tensions et de suspicions entre états au Nord et au Sud du Sahara
Réponses à la crise
Chaque crise est spécifique donc il n’existe pas de solution unique pour toutes les crises. En l’espèce deux propositions peuvent aider à sortir de la situation présente. Au niveau national, faire de la prévention à travers l’inclusion politique et la transparence dans la gestion des affaires publiques. Deuxièmement, par des mesures pratiques contenir le conflit pour évitet qu’il s’enracine ou qu’il contamine les pays voisins.
• Mesures pratiques:
Bamako doit :
– Confirmer la durée de la transition (40 jours ou bien 12 mois) et qui la dirigera.
– Réunifier et motiver l’armée nationale et les forces de sécurité ;
– Rejeter la création des milices ethniques ;
– Elargir le gouvernement pour inclure des représentations du Nord ;
– Eviter les règlements de comptes entre pro et anti révolution démocratique de Mars 1991.
– Négocier pendant qu’il est encore temps avec les forces présentes au Nord avec l’appui de l’Algérie, du Burkina, de la Mauritanie et du Niger
– S’assurer le soutien de la CEDEAO, de l’Union africaine, des Nations – Unies, de la France, des Etats – Unies et de l’Union européenne ;
– Limiter l’influence des réseaux de la drogue sur la crise actuelle.
• Les suites de l’affaire libyenne :
– Afin de stabiliser la Libye et donc le Sahel Sahara, le Gouvernement de Tripoli doit être encouragé à s’ouvrir aux Kadafistes non poursuivis par la justice internationale ;
– Faciliter le retour en Libye des ressortissants du Sahel qui le désirent pour y travailler et récupérer leurs biens abandonnés ou spoliés;
– Organiser une conférence internationale pour traiter des questions relatives aux relations entre la Libye et ses voisins en particulier du Sud ;
Conclusion :
Plus la crise malienne dure :
– Plus les divisions entre les différents centres du pouvoir à Bamako se multiplient et s’approfondissent :
– Plus les radicaux islamistes renforcent leurs positions locales et attirent des combattants étrangers.
– Plus elle fera partie du paysage international et plus la crise se banalisera comme le sont les conflits de l’Afghanistan ou de Somalie par exemple.
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