C’est le spectacle d’un espace géographique immense, au décor lunaire, quasi désertique qui s’étend de l’atlantique jusqu’à la mer rouge et qui détient un record planétaire: celui de la densité humaine la plus faible avec moins d’un habitant au km2.
L’espace Sahélo saharien est en effet à la confluence d’un double défi, l’enjeu sécuritaire politico stratégique certes mais aussi et surtout, la vulnérabilité par rapport aux enjeux climatiques.
Si en effet tout le monde s’accorde sur les dangers croissants du terrorisme et des trafics qui s’y installent, la communauté internationale, pas plus que les gouvernements locaux, ne semble prendre conscience du danger imminent et presque irréversible de cet autre défi que constitue la détérioration environnementale continue du Sahel Sahara. Si l’Afrique est le continent le plus vulnérable par rapport aux changements climatiques ; au sein même du continent africain la région Sahélo Saharienne ressemble à une zone « laissée pour compte ».
Les sécheresses répétitives (1970 et 1984) et la désertification ont décimé le cheptel d’une douzaine de pays tous à vocation pastorale prédominante. L’inexorable avancée des dunes (jusqu’à 5 km l’an par endroits) a enseveli des villages entiers dont des cités historiques et menace des centaines d’habitation. Depuis 1900, l’avancée des sables vers un front sud a progressé de 250 km sur une bande de 6000 km qui s’étend d’Est en ouest.
Et ne parlons pas des conséquences directes : flux migratoires ininterrompus, précarité et accroissements anarchiques des périphéries des villes, pauvreté, décadences sociales, troubles politiques …
Ce tableau sombre ne devrait sans doute pas tant inquiéter le monde s’il ne s’agissait pas d’une bande géographique dont la superficie s’étend sur environ 11 millions de km2 (presque 16 fois un pays comme la France) et occupe un peu plus du tiers de la surface totale du continent africain. Cette bande abrite aussi près du quart des pays africains et dans le top 8 des pays les plus vastes du continent, 6 appartiennent à l’espace Sahelo-Saharien : Algérie, Libye, Mali, Niger, Soudan et Tchad.
C’est dire le poids de la menace climatique qui pèse sur l’espace Sahel Sahara à un moment particulièrement difficile. Jamais en effet le monde n’a autant été en danger face aux effets néfastes du dérèglement climatique : détérioration des éco systèmes, cataclysmes naturels en tout genre et de plus en plus fréquents, accès difficile à l’eau, famines récurrentes, pauvreté structurelle, etc…
Devant ce drame, les gouvernements de la région et la communauté internationale ne semblent hélas pas prendre conscience de cette tragédie qui s’annonce. Lors des dernières grandes conférences sur le climat, un sentiment diffus de voir de plus en plus s’éloigner l’espoir d’un accord global contraignant sur le climat a dominé. Et c’est là que le bât blesse.
Ni la conférence des Nations Unies sur les changements climatiques à Durban en Afrique du Sud en décembre 2011, ni celles successives de Copenhague (2009) et Cancun (2010) n’ont apporté l’espoir attendu : un accord post Kyoto. Le monde industrialisé responsable historique des émissions de gaz à effet de serre est entrain d’assassiner le protocole de Kyoto (avec préméditation ?) alors qu’aucun accord alternatif ne semble poindre à l’horizon. Pire, des pays pollueurs ont même annoncé leur sortie du cadre juridique de Kyoto. C’est notamment le cas du Canada, du Japon et de l’Australie; les USA étant déjà en dehors du protocole. Seule l’Europe de l’Union semble prendre la mesure du danger.
La prochaine grande conférence mondiale sur le changement climatique en décembre 2012 au Qatar et le sommet mondial RIO +20 en juin prochain à Rio de Janeiro, au Brésil offrent l’occasion idéale pour revisiter la politique mondiale sur l’environnement. Ce n’est pas seulement l’occasion pour l’Afrique et le monde de montrer la vulnérabilité du sahel Sahara et son pouvoir d’entrainement du voisinage mais c’est surtout une opportunité pour montrer le potentiel énergétique vierge et incommensurable de cette immensité désertique.
Dans le contexte d’une économie verte, l’espace Sahel Sahara est en effet une source potentielle inépuisable d’énergies propres : éolienne, solaire et hydro électrique pour la région et pour l’Europe.
Selon des études menées récemment dans le cadre des ambitieux projets Desertec et Medgrid, il a été établi que si on occupait seulement 0,3 % de la surface globale de cette zone Sahel Sahara par des centrales thermiques solaires, on pourrait satisfaire la demande énergétique de toute l’Europe et de l’Afrique du Nord réunis ! Et l’on ne parle ici que du potentiel solaire ! Si l’on y ajoute les potentiels éolien, géothermique et hydroélectrique, on peut espérer transformer l’espace Sahel-Sahara en une zone de salut pour l’humanité.
Restera alors… tout le reste. C’est à dire une réelle volonté politique des décideurs des pays de la région et un engagement sans faille de la communauté internationale.
C’est à cette prise de conscience des décideurs du monde et de l’Afrique que s’attelle ANEJ depuis sa création en 2005 sur initiative commune des Nations Unies et des journalistes africains. Chaque fois que cela a été possible, ANEJ a interpellé les Chefs d’États africains et les décideurs internationaux sur la vulnérabilité du continent. Dans nos prochaines manifestations nous allons nous efforcer de mettre un accent particulier sur la disparition continue des éco systèmes dans l’espace Sahélo saharien.
Dans ce contexte, la création du Centre 4S et son engagement pour un développement durable du Sahel Sahara donne à ANEJ des raisons d’espérer. Notre motivation est d’autant plus justifiée que la vision du Centre 4S de cet espace est nôtre. La menace sécuritaire sur le Sahel Sahara est certes liée au terrorisme, aux trafics divers y compris celui des narcotrafics. Mais ignorer les risques graves qui pèsent sur l’environnement, c’est perpétuer les risques d’une instabilité chronique.
Sidi El Moctar Cheiguer
Président ANEJ. www.anej.info
African Network of Environmental Journalists.
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Basé à Nouakchott, le Centre 4S a une vocation régionale puisqu’il couvre une bande allant de la Mauritanie en passant par la Guinée, au sud, et jusqu’au Tchad et au Soudan, à l’est, après avoir longé l’Atlantique et traversé la savane. Ses centres d’études sont la défense et la sécurité de la bande sahélo saharienne, la violence armée et le terrorisme, les rivalités pour le pétrole, le gaz et l’uranium, les migrations irrégulières dans et hors de l’Afrique, la contrebande de cigarettes, la drogue et les trafics humains, etc, l’environnement et les énergies renouvelables. Sa vocation est d’aider la région et ses partenaires internationaux – publics et privés, aussi bien que ceux de la société civile, les universités, les Forums et autres groupes – à davantage collaborer pour assurer la sécurité et la prospérité de la bande sahélo sahélienne.
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