Région sahélo-saharienne : des problèmes globaux qui appellent des solutions globales

 

Une zone de non-droit s’y est instaurée dans laquelle se croisent des narcotrafiquants, des déçus de la rébellion touarègue, des bandits de grand chemin, d’anciens soldats de Kadhafi surarmés et des combattants d’AQMI…

 

Devenue un véritable Far-West, en rébellion contre tous les pouvoirs centraux, la région du Sahel Sahara est une zone de tous les dangers. Puissamment déstabilisatrices pour les pays limitrophes et, au-delà pour le reste du monde, ces contrées inquiètent aussi la communauté internationale. Celle-ci a d’ailleurs senti le danger, mais peine à le saisir dans toute son ampleur.  Et, du coup, elle n’a pas encore trouvé l’antidote pour soigner la maladie.

Un scénario à la somalienne pour le Mali ?

L’instabilité et l’absence de systèmes politiques achevés, le trafic de la drogue, la menace terroriste, la concurrence sauvage dans l’exploitation minière sont quelques uns des problèmes qui menacent la paix dans cette zone, rendant impossible son développement. Bien sûr, la plupart des dysfonctionnements est accentuée par l’absence d’Etats forts pouvant pleinement remplir leurs missions régaliennes. Ce sont généralement des pays pauvres, mal gérés à cause de systèmes politiques corrompus.

Le coup d’état qui vient de se produire au Mali est un exemple éloquent de la précarité des entités étatiques. Après vingt ans de démocratie « exemplaire », ce pays est en train de plonger dans l’anarchie. Qui aurait pu penser que des militaires du second rang puissent un jour renverser le président Amadou Toumani Touré (ATT) et cela, deux mois avant la fin de son second et dernier mandat ? Si on y ajoute la rébellion touarègue qui progresse à grands pas au nord du Mali, le risque est grand de voir le pays sombrer dans le chaos. Exactement comme cela s’était passé en Somalie il y a deux décennies.

Ainsi, en dépit des apparences et des avantages que procure le système démocratique, celui-ci peine de plus en plus à se consolider sous nos latitudes. L’absence de liberté, l’absence d’opinion publique pouvant garantir la pérennité et l’absence d’exemplarité des dirigeants par rapport à la corruption, sont autant d’obstacles. L’ampleur dévastatrice des trafics en tous genres, et particulièrement celui de la drogue, est une source permanente d’instabilité et d’anarchie dans la bande sahélo-saharienne.

A cause des contrôles de plus en plus efficaces des circuits traditionnels de passage de la drogue vers l’Europe et l’Amérique du Nord, les trafiquants sud américains ont décidé de créer une nouvelle route pour leur marchandise à travers l’Afrique de l’ouest. Déjà, la Guinée-Bissau est tombée entre les mains des trafiquants. Certains « services » dans d’autres pays ouest africains tels que les douanes et/ou l’émigration affichent une bonne santé financière qui ne peut pas s’expliquer par les maigres salaires de leurs préposés. Dans presque toutes les capitales des pays de la région saharienne, on a vu pousser des quartiers pour ces nouveaux riches qui tirent leurs revenus de la coopération avec les trafiquants.

Autre exemple de cette « coopération » présumée : le fameux Boeing chargé de cocaïne qui avait atterri dans le désert malien, en novembre 2009, sur un aéroport construit spécialement pour la circonstance, avant de brûler. Aucune trace de cette cargaison n’a jamais été retrouvée. Personne n’a été interpellé. Pourtant, la construction d’une piste dans le désert requiert beaucoup de temps. Elle ne pouvait pas, logiquement, se faire sans que les autorités n’en soient informées.

Drogue, terrorisme et exploitation minière

Le trafic de drogue génère des profits faramineux. Du coup, dans les pays pauvres, il intéresse beaucoup de monde et parvient à créer des complicités au sein des populations. Or, c’est exactement ce qui est en train de se passer dans les Etats sahélo-sahariens. D’autant que l’on ventile l’idée que la drogue est seulement de passage dans cette zone et n’est pas destinée à « nos pays ». Le plus grave est la capacité des trafiquants à corrompre les dirigeants et agents étatiques de la région pour s’assurer leur soutien.

En d’autres termes, les trafiquants de drogue ont les capacités financières pour « acheter » ces Etats  ainsi que les populations. En son temps, Mouammar Kadhafi distribuait généreusement ses pétrodollars aux présidents et personnalités africaines en échange de leur soutien diplomatique. Les trafiquants de drogue, eux, ne demandent pas d’efforts particuliers aux puissants, seulement de fermer les yeux. Un marché porteur et sans risque…  De quoi attirer beaucoup de monde, de toutes les couches sociales. Et c’est là le danger de ce phénomène qui se développe de plus en plus dans la zone, avec son immuable corolaire : la corruption. Un autre mal qui ronge les pays africains et qui compromet toutes les chances de développement et de raffermissements de ces entités.

A ces menaces se rajoutent les groupes salafistes installés depuis quelques années dans le nord Mali, sur la frontière avec l’Algérie. Ces groupuscules ont réussi à établir des bons rapports avec les populations autochtones. Ils leur assurent certains services et sont généreux avec elles. Leur effectif varie entre trois et cinq cent personnes. Ils recrutent essentiellement dans les rangs des Mauritaniens. Ils ont fait du rapt et de l’enlèvement des occidentaux leur principale source de financement. Au cours des dernières années, ils ont pu récolter plus de cent millions de dollars grâce à leur activité criminelle.

Maniant avec dextérité les moyens de communication, les extrémistes islamistes donnent l’impression au monde extérieur qu’ils sont seuls présents dans ces pays et qu’ils contrôlent la situation. L’insécurité qu’ils font régner sur la vie des ressortissants occidentaux amplifie leurs activités. Mais avec la mort d’Oussama Ben Laden et le déclenchement des révolutions arabes, ce mouvement a de plus en plus de difficultés pour recruter de nouveaux soldats du Jihad. Ce qui fait que le problème du terrorisme dans ces contrées, bien qu’encore présent et actif, n’a plus de perspectives réelles pour se développer.

C’est un problème qui demeure posé à la région, mais qui cache la réalité sur le terrain. La lutte contre ce phénomène planétaire lui a donné plus de presse qu’aux autres problèmes sérieux posés à la région. A tel point qu’on ne pense plus qu’aux programmes d’aide et de formation aux armées de la région sahélo-saharienne. Un effort nécessaire, mais qui n’est pas suffisant pour résorber, une fois pour toute, les différents dans cette région.

Enfin, il y a la recherche minière. Celle-ci est en train de se développer de manière spectaculaire dans cette région dont le sous sol renfermerait de nombreux gisements. Dans nos contrées, il arrive que des petites sociétés non cotées en bourse et certaines grandes multinationales violent les règles de transparence et de rigueur morale. Bien souvent, elles acceptent de traiter « sous la table » avec des dirigeants corrompus. La rude concurrence à laquelle se livrent ces compagnies les pousse à consentir de plus en plus de fonds pour décrocher des contrats d’exploitation. Une pratique qui contribue à créer de nouveaux potentats et à raviver la compétition pour la conquête du pouvoir. Ce qui constitue un autre motif de préoccupation à cause de l’instabilité qu’elle génère

Ces facteurs de déstabilisation constante dépassent les Etats, dans la mesure où les trafiquants de drogue, les terroristes ou les prospecteurs miniers ne se laissent pas arrêter par de simples frontières. Ce qui leur donne une longueur d’avance à chaque fois, et leur permet d’échapper aux contrôles. C’est la raison pour laquelle les problèmes sus cités ne peuvent pas être dissociés ; ils réclament une réponse globale des Etats de la région et de leurs partenaires.

Aussi ce serait une grave erreur de croire qu’un seul pays puisse leur faire face ;  ou bien qu’il faille se focaliser sur un seul aspect de ces problèmes, tel que le terrorisme par exemple. Les problèmes de cette région doivent être traités de manière globale, sans exclusion d’un quelconque Etat et loin des petits calculs de circonstances.

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Basé à Nouakchott, le Centre 4S a une vocation régionale puisqu’il couvre une bande allant de la Mauritanie en passant par la Guinée, au sud, et jusqu’au Tchad et au Soudan, à l’est, après avoir longé l’Atlantique et traversé la savane. Ses centres d’études sont la défense et la sécurité de la bande sahélo saharienne, la violence armée et le terrorisme, les rivalités pour le pétrole, le gaz et l’uranium, les migrations irrégulières dans et hors de l’Afrique, la contrebande de cigarettes, la drogue et les trafics humains, etc, l’environnement et les énergies renouvelables. Sa vocation est d’aider la région et ses partenaires internationaux – publics et privés, aussi bien que ceux de la société civile, les universités, les Forums et autres groupes – à davantage collaborer pour assurer la sécurité et la prospérité de la bande sahélo sahélienne.

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