Objectifs de la conférence de TUNIS

 

 


 

Fragile depuis de longues décennies, la région du Sahel est devenue profondément instable à partir des années 2003-2005[1]. Pour des raisons multiples, cette instabilité récurrente, surtout au Mali, est, aujourd’hui, plus porteuse de dangers qu’elle ne l’était lors des premières crises dans les années 1960. Identitaire au départ, de sous développement alors et encore, la crise est aujourd’hui très complexe. La criminalité avec ses divers trafics, dont ceux de la drogue, des personnes, des cigarettes et des armes, a exacerbé les dimensions identitaires et économiques. De plus, la présence récente d’un islamisme radical projette le Sahel sous un angle totalement nouveau avec le risque d’une internationalisation comportant de nombreux dangers.

Une crise complexe et ambigüe

Pour l’ensemble des Etats de la région, la menace liée à la situation actuelle est réelle et crédible. Dans le passé, les crises maliennes ont été gérées avec succès et la paix, conclue, à travers une intervention déterminante de l’Algérie : fin de la rébellion des années 1962/64; Accords de Tamanrasset du 11 janvier 1991;  Pacte national du 12 avril 1992 ; Accords d’Alger du 4 Juillet 2006.

La gestion de la crise actuelle risque, cependant, de se révéler plus ardue que les précédentes. D’abord du fait de sa complexité, comme noté plus haut, et aussi de la multiplication du nombre d’acteurs extérieurs engagés ou désireux d’aider au retour de la paix. Elle l’est également par un nouvel élément : la fragmentation continue des parties au conflit. Lors des guerres civiles  précédentes, leur nombre était limité ce qui n’est pas le cas cette fois ci. Face au gouvernement central du Mali, il y’avait une rébellion presque homogène et, tout au plus, une milice locale appuyant les autorités ou un clan. Aujourd’hui, de part et d’autre, il y a éclatement. D’une part parce que le pouvoir central à Bamako n’a pas la même stature et solidité que ses prédécesseurs lors des crises précédentes. Ensuite les rebelles ne parlent pas tous de la  même voix et sont difficiles à identifier : Touaregs, délégués des autres populations du nord, trafiquants et islamistes. La fragmentation et, avec elle le risque d’une plus grande radicalisation de chaque groupe (y compris ceux  en dehors du conflit), comporte en elle-même les germes de nouveaux dangers pour l’avenir du Mali et celui de toute la région.

Dans ce contexte très volatile, comment gérer la crise et, surtout, éviter qu’elle ne s’enlise au-delà du mois de Ramadan, qui se terminera vers le 20 août 2012. Avec tous les risques qu’un tel enlisement comporterait : davantage de radicalisation, internationalisation accrue, etc. La perspective d’une telle  évolution ne peut être sous estimée.

Harmonisation des médiations

Le  rôle des médiateurs, officiels et non officiels, dans cette crise est important. Ils peuvent aider ou, souvent à leur corps défendant, exacerber la situation. En effet, ces médiateurs n’ont pas nécessairement  une compréhension et une approche communes de la gestion de la crise ; quand bien même leur efficacité est liée à la coordination ou, à tout le moins, l’harmonisation de leur approche. Aujourd’hui, la CEDEAO est le médiateur principal. Le Burkina Faso, qui assume cette responsabilité, jouit d’expériences de médiations réussies au Togo et en Côte d’Ivoire ; et peut travailler avec les autres intervenants.

Quel rôle le gouvernement du Mali acceptera-t-il d’accorder aux médiateurs extérieurs? Qu’elle est sa capacité à régler par lui-même ce nouveau conflit qui menace l’existence même du pays ? Une nouvelle conférence nationale de très courte durée ne serait-elle pas mois coûteuse? Celle-ci pourrait aider à débattre et à dépasser les vieux clivages inter maliens liés à la rébellion de 1962 et aux coups d’état de mars 1991 et mars 2012. Par ailleurs, les Maliens sont- ils prêts à poser et à répondre – avec courage – à deux  questions difficiles ?  Premièrement, les coûts de la corruption qui menace l’existence même de l’Etat. Deuxièmement, après cinquante ans de turbulences dans le nord, quel prix les maliens de toute origine, du nord comme du sud, sont ils prêts à payer pour le maintien du statu quo administratif et territorial de leur pays ? Autant de questions qui méritent des débats approfondis.

L’aspect humanitaire de la crise ne peut pas, non plus, être ignoré. Plus de 320 000 Maliens sont  refugiés dans les pays voisins et un plus grand nombre est déplacé à l’intérieur du pays. Des crimes odieux ont été commis ces derniers mois. L’impunité ne pouvant engendrer que de nouvelles violences, leurs auteurs doivent répondre devant la justice. Toutes ces victimes et leurs parents ont besoin  d’assistance en nourriture, en soins de santé et en justice.

La conférence qui se tiendra les 30 et 31 aout 2012 à Tunis vise à débattre de l’ensemble de cette problématique et à suggérer des orientations.

Juillet, 2012

 


[1] En 2003 eut  lieu une prise d’otages spectaculaire suivie du paiement d’une forte rançon. En juin 2005, des soldats mauritaniens furent massacrés au nord du pays, puis un coup d’état se produisit en août.

 

Basé à Nouakchott, le Centre 4S a une vocation régionale puisqu’il couvre une bande allant de la Mauritanie en passant par la Guinée, au sud, et jusqu’au Tchad et au Soudan, à l’est, après avoir longé l’Atlantique et traversé la savane. Ses centres d’interets sont la défense et la sécurité de la bande sahélo saharienne, la violence armée et le terrorisme, les rivalités pour le pétrole, le gaz et l’uranium, les migrations irrégulières dans et hors de l’Afrique, la contrebande de cigarettes, la drogue et les trafics humains, etc, l’environnement et les énergies renouvelables. Sa vocation est d’aider la région et ses partenaires internationaux publics et privés, aussi bien que ceux de la société civile, les universités, les Forums et autres groupes – à davantage collaborer pour assurer la sécurité et la prospérité de la bande sahélo sahélienne.

Pour plus d’information www.Centre4S.org

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